Oct 24, 2020
Données bibliographiques / Bibliografische Daten |
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Auteurs / Autoren: | KORDEVA, MARIA; COSSALTER, PHILIPPE |
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Revue / Zeitschrift: | Revue française de droit administratif, n°4, pp. 661-671 |
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Année / Jahr: | 2020 |
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Localisation / Standort: | Revue française de droit administratif |
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Catégorie / Kategorie: | Droit administratif, Droit constitutionnel |
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La République fédérale d'Allemagne, longtemps restée "un pays sans catastrophes", n'était pas vraiment préparée à affronter la pandémie qui a balayé le monde et le continent européen au printemps 2020. La définition de la notion de pandémie peut représenter un "défi" pour les juristes, qui doivent puiser dans l'épidémiologie pour trouver des éléments probants de détermination de cet état sanitaire singulier. Les plans pandémiques allemands sont confectionnés en lien avec les planifications de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils n'ont pas de force juridique obligatoire et sont devenus, surtout concernant la majorité des plans des Länder, complètement anachroniques. La Loi fondamentale allemande ne propose pas, dans son arsenal normatif, des dispositions spécifiques permettant de mettre en oeuvre un état d'exception adapté à la situation sanitaire résultant de la vague épidémique de coronavirus. Contrairement à la France, l'Allemagne n'a pas de prime abord sombré dans l'inflation normative. Le 25 mars 2020 le Bundestag a établi, conformément à la nouvelle version du paragraphe 5 de la loi sur les maladies infectieuses transmissibles chez l'être humain, "l'état épidémique de portée nationale". Les dispositions permettant la mise en oeuvre de la politique sanitaire sont le paragraphe 28, alinéa 1er, concernant les mesures de protection en cas de détection de personnes malades, contagieuses ou porteuses d'une maladie transmissible et le paragraphe 32 relatif à l'édiction de règlements par les Länder afin de prendre des mesures adaptées. Le problème principal que pose cette réglementation réside en la confrontation entre deux masses de droits constitutionnellement protégés: les libertés individuelles et collectives doivent être sacrifiées sur l'autel de l'intégrité physique de la population tout en prenant en compte le principe de proportionnalité des mesures prises par les autorités fédérales ou régionales. Cette mise en balance devient d'une difficulté inextricable dans le cas de l'épidémie de coronavirus qui est caractérisée par l'incertitude du risque. La tâche du juge est plus difficile qu'à l'ordinaire car il doit apprécier les restrictions apportées à l'exercice des droits fondamentaux sans pour autant empiéter sur le champ politique, sans effectuer un contrôle de l'opportunité des décisions prises par les autorités.
Traduction en langue française de la loi sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses humaines:
https://www.bijus.eu/?p=13318
Août 24, 2020

Le droit procédural n'est pas une fin en soi. Il permet de garantir le respect des droits des parties à l'instance mais également de s'assurer de la bonne compréhension des faits pertinents par le juge afin que le droit matériel y afférent soit correctement appliqué aux faits établis. La distinction entre établissement des faits et application du droit est commune à tous les codes de procédure dans le monde. Le présent article porte sur la détermination de la règle de droit applicable. La thèse selon laquelle le principe
iura novit curia serait un bien commun de la pensée juridique de l'Europe continentale - contrairement aux pays de
common law - est trop générale. S'agissant du droit procédural allemand, elle est en principe exacte, mais le juge administratif français - contrairement à son collègue allemand - statue, avant tout, au regard des moyens des parties, à l'exception des moyens d'ordre public qu'il doit soulever d'office. Si, selon le droit procédural allemand, le principe
iura novit curia s'applique sans restriction dans la procédure en première instance, en appel ou en cassation quant au droit allemand, il en va naturellement de même pour les normes de droit international public ou le droit de l'Union européenne, contrairement à la pratique du Conseil d'Etat français qui examine uniquement les traités ou accords internationaux ou le droit de l'Union sur un grief d'une partie.
Juil 24, 2020

« […] [L]a gestion de l’épidémie de Covid-19 constituait un laboratoire idoine permettant de voir à quel point les libertés fondamentales du bloc de constitutionnalité sont prises au sérieux par les pouvoirs publics dans une situation de vulnérabilité particulière. » La contribution présente, à partir du droit positif, une perspective franco-allemande montrant la différence d’approche des juges français et allemands confrontés à des questions relatives à la constitutionnalité de mesures privatives de libertés : le principe de proportionnalité est l’outil indispensable permettant l’examen de ces mesures.
En ce qui concerne l’Allemagne, son organisation fédérale et les attributions internes de compétences donnent au juge constitutionnel fédéral et aux cours constitutionnelles des Länder une place qui, en France, est en partie dévolue au juge administratif au travers du référé-liberté. Le Conseil constitutionnel français vient compléter ce paysage juridictionnel, mais ne rassure guère quant à sa pratique du principe de proportionnalité qui semble manquer d’épaisseur (décision n°2020-799 DC du 26 mars 2020 : « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution »). Dans des circonstances exceptionnelles, c’est le principe de proportionnalité qui peut permettre au juge d’évaluer la gravité des atteintes portées aux libertés et de se démarquer du discours politique en s’érigeant en contre-pouvoir. Par conséquent, « garantir les libertés individuelles implique, pour l’organe qui en est chargé, le courage de prendre une décision nécessairement politique, dont l’ampleur se mesure à la rigueur du contrôle de proportionnalité exercé compte tenu des contraintes liées à l’urgence ». Mais, excepté les situations extraordinaires, le principe de proportionnalité peut être utilisé par le juge afin de garantir le respect de l’attribution de compétences attribuées à des organes supra-nationaux. Ainsi, dans la décision du 5 mai 2020 portant sur le programme d’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires (
Public Sector Asset Purchase Program,
PSPP) rendue par la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, le lecteur trouve le désaveu de la juridiction nationale du contrôle de proportionnalité exercé par la Cour de justice de l’Union européenne. La lecture de l’arrêt du juge allemand fait montre de l’intention de défendre les compétences régaliennes par le biais des principes actés par le constituant en prohibant aux autorités nationales de participer à la mise en œuvre d’une politique européenne qui ne répondrait pas aux exigences de la compétence d’attribution fixée par l’article 5 du Traité de l’Union européenne.
La contribution est axée sur deux thèmes : la proportionnalité pour défendre les libertés de l’individu (I) et la proportionnalité pour préserver les compétences de l’État (II). Le contrôle de proportionnalité est, en droit constitutionnel, un instrument de pouvoir par lequel l’autorité de la décision, politique ou juridique, ne résulte pas de celle de son auteur mais de sa justification. Cependant, il convient de toujours procéder à une mise en balance délicate entre la rigidité du contrôle opéré par le juge et l’approbation sans nuance d’une décision politique qui équivaut dans ce cas à un contrôle de pure opportunité.
Jan 17, 2020
Le "principe de précaution" allemand et la "théorie du bilan" française sont
a priori deux notions distinctes cependant des problèmes juridiques transversaux les ont peu à peu rapprochées en droit administratif espagnol. D'un point de vue de droit comparé, il semblerait aue nous assistions à l'émergence d'une imbrication des deux notions qui, bien que différentes, se complètent pour apporter des réponses appropriées aux situations juridiques nouvelles. L'enjeu d'une telle analyse est d'utiliser le laboratoire du droit administratif espagnol pour révéler les migrations notionnelles qui se jouent entre espaces juridiques, plus spécifiquement s'agissant de la régulation du risque, de la protection des droits fondamentaux et de la garantie de l'intérêt général. Il s'agit par cette démarche de saisir les enjeux actuels de l'européisation du droit administratif en l'illustrant par une analyse de la circulation du principe de précaution et de la théorie du bilan dans la jurisprudence du Tribunal Suprême Espagnol. En ce sens, le droit public comparé est devenu un dispositif théorique pour penser
ius publicum commun en Europe.
Déc 10, 2019
Résumé des auteurs:
La présente chronique couvre l'année 2018 et ne porte que sur l'actualité jurisprudentielle. La Cour constitutionnelle fédérale clôt le feuilleton jurisprudentiel sur le droit de grève dans la fonction publique allemande (2 BvR 1738/12 du 12 juin 2018). La décision de la Cour administrative fédérale (BVerwG, Az. 1 C 15.17 du 29 mai 2018) se penche sur les conditions relatives à l'obtention de la nationalité allemande en s'interrogeant sur les éléments constitutifs de l'ordre libéral et démocratique de la Loi fondamentale. Enfin, le juge constitutionnel fédéral valide la nouvelle configuration de la contribution audiovisuelle en affirmant le principe "un logement - une contribution" et en ajoutant une nouvelle pièce à la mosaïque jurisprudentielle très riche relative au financement de l'audiovisuel public (1 BvR 1675/16 du 18 juillet 2018).