Le présent numéro des EDCEJF était consacré à la publication d’une traduction de la « Verwaltungsgerichtsordnung » dans la version publiée le 19 mars 1991.

Cette édition bilingue est ici proposée au format PDF texte.

Introduction

L’article 92 de la Loi fondamentale (LF) dispose que le pouvoir de rendre la justice “est exerce par la Cour constitutionnelle fédérale, par les Cours fédérales prévues par la Loi fondamentale (LF) et par les tribunaux des Länder“. Si on laisse de côté la branche très particulière des juridictions constitutionnelles, l’art. 95 LF ne prévoit pas moins de 5 ordres de juridictions autonomes, relevant chacun d’une Cour suprême, à savoir la juridiction ordinaire, la juridiction administrative, la juridiction financière, la juridiction du travail et la juridiction sociale.

Cette apparente complexité ne doit pas faire illusion car en fait deux ordres de juridiction font figure de juridiction de droit commun dans chacune des deux grandes familles primordiales : juridictions appliquant le droit privé et juridictions appliquant le droit public.

Dans ce dernier groupe, c’est la juridiction administrative qui joue le rôle de juridiction de droit commun, tandis que les tribunaux sociaux et les tribunaux financiers font figure de juridictions administratives spéciales. Le § 40, al. 1er de la loi sur la juridiction administrative consacre cette prééminence en disposant que “le recours devant la juridiction administrative est ouvert pour tous les litiges de droit public qui n’ont pas un caractère constitutionnel et qui n’ont pas été attribués expressément par une loi fédérale à d’autres tribunaux“.

En application de l’art. 74 n° 1 LF, qui fait de l’organisation et de la procédure judiciaire une matière de compétence législative concurrente, la Fédération a fait usage de son pouvoir législatif en adoptant la loi du 21 janvier 1960 (BGBl. I p. 17) sur la juridiction administrative (Verwaltungsgerichtsordnung : VwGO), dont le présent cahier présente une traduction synoptique.

L’existence de cette loi qui a codifié et modernisé le contentieux administratif allemand ne laisse plus qu’une place restreinte à l’intervention législative des Länder, pour la mise en œuvre de la loi fédérale. Les textes complémentaires ainsi intervenus au niveau des Länder sont les suivants :

­Bade-Wurtemberg: L. 22.3.1960, dernière modif.: L. 16.8.1994,
­ Basse-Saxe: L. 22.5.1981, dernière modif.: L. 1.7.1993,
­ Bavière: L. 28.11.1960, dernière modif.: L. 20.6.1992,
­ Berlin: L. 22.2.1977, dernière modif.: L 29.3.1994,
­ Brandebourg : L. 10.12.1992, dernière modif.: L, 21.12.1993,
­ Brême: L. 15.3.1960, dernière modif.: L. 2.11.1993,
­ Hambourg: L. 29.3.1960, dernière modif.: L. 14.6.1989,
­ Hesse: L. 6.2.1962, dernière modif. : L. 13.5.1994,
­ Mecklembourg: Lois des 19.3.1991, 10.6.1992 et 17.7.1992,
­ Rhénanie du nord – Westphalie: L. 26.3.1960, en sa version issue de la L. 17.12.1991,
­ Rhénanie-Palatinat: L. 5.12.1977, dernière modif.: L. 6.11.1989,
­ Sarre: L. 5.7.1960, dernière modif.: L. 4.11.1987,
­ Saxe: L. 30.6.1992,
­ Saxe-Anhalt : L. 28.1.1992, dernière modif.: L. 27.4.1994,
­ Schleswig-Holstein : L. 21.3.1960, dernière modif.: L 6.3.1990,
­ Thuringe: L. 15.12.1992.

Au delà des principes d’organisation de la juridiction administrative, l’attention du juriste français se concentrera probablement sur les différentes actions et sur les principales caractéristiques du contentieux administratif allemand.

A. Le système des formes d’actions est bien connu depuis l’introduction au droit allemand par Michel Fromont et Alfred Rieg (notam. tome II, p. 174 et s.) et la description actualisée qui en est faite par Karl-Peter Sommermann à la revue française de droit administratif (à paraître).
Ce système d’actions reflète le caractère essentiellement subjectif du contentieux administratif allemand, axé dans la logique de l’article 19 IV de la Loi fondamentale sur la protection des droits subjectifs des individus, lésés ou méconnus par l’action de l’administration. L’accent ainsi mis sur la protection de droits subjectifs est incompatible avec tout mécanisme d’action populaire.
La loi sur la juridiction administrative ne procède pas à une énumération exhaustive des formes d’actions, et il est admis que les formes d’actions non expressément prévues par ce texte doivent être recevables « afin de ne pas faire échec à la clause générale du § 40 al. 1er, 1ère phrase : dans l’intérêt d’une pleine et entière protection des droits, le système des formes
d’action reste ouvert, c`est-à-dire qu’il n’y a pas de numerus clausus des formes d’actions“ (Sommermann, op. cit.).
Au demeurant, les principales formes d’actions sont :

-L’action en annulation (Anfechtungsklage : §§ 42, 68 et s., 113 al. 1-4, 167 al.2): son objet est d’obtenir la suppression d’un acte administratif individuel lésant les droits subjectifs publics du   requérant, que celui-ci soit destinataire de l’acte ou non, dès
lors, dans le dernier cas, qu’il existe une norme de protection des droits des tiers.

-L’action tendant à l’émission d’un acte administratif individuel (Verpflichtungsklage) est réglée dans les mêmes paragraphes que l’action en annulation. Subordonnée de façon analogue à l’action en annulation à l’atteinte portée à un droit subjectif du requérant, elle permet de faire échec soit à un refus explicite de l’administration, soit à la carence de celle-ci.

-L’action générale tendant à l’obtention d’une prestation (Leistungsklage : §§ 43 al.2, 111, 113 al. 4 et 169 al. 2) tend à obtenir de l’administration une prestation (autre que l’émission d’un acte administratif individuel), qu’il s’agisse d’une action déterminée, du versement d’une somme d’argent, voire même de prévenir un comportement futur de l’administration.

-L’action déclaratoire (Feststellungsklage: § 43): elle tend à la constatation de l’existence ou de la non-existence d’un rapport de droit, ou encore de l’inexistence (nm acte administratif individuel. Cette action n’est ouverte qu’en l’absence d’autres voies de recours et est soumise à la condition restrictive de l’existence d’un intérêt légitime du requérant.

-L’action en contrôle abstrait des normes infra-législatives (Normenkontrollantrag: § 47) constitue le seul type de recours tendant à assurer un contrôle objectif de la légalité de l’activité réglementaire de l’administration (certains règlements locaux et décrets réglementaires dans le secteur de la construction et, pour le reste, dans la mesure et dans les conditions fixées par le droit du Land).

-Les recours tendant à la suspension d’un acte administratif individuel ou à la remise en vigueur d’un acte suspendu (Aussetzung der Vollziehung / Anordnung der Vollziehbarkeit eines Verwaltungsakts: §§ 80 al. 5, 80a al. 3).

-Les recours en édiction d’une ordonnance de référé (Antrag auf Erlass einer einstweiligen Anordnung : § 123).

-Les recours tendant à l’exécution d’un jugement (Rechtsbehelfe im Vollstreckungsverfahren : § 167 et s.).

B. Les caractéristiques principales du contentieux administratif allemand peuvent être résumées comme suit, en s’inspirant de l’un des commentateurs les plus connus de cette loi (Ferdinand Kopp, Verwaltungsverfahrensgesetz/ Verwaltungsgerichtsordnung, série « Beck-Texte im dtv », 20ème éd. 1994) :

-Le requérant, le défendeur, la personne appelée en cause et le représentant de l’intérêt général sont les parties à la procédure (§ 63). Ont la capacité nécessaire: les personnes physiques et morales, les groupements – dans la mesure où ils peuvent être titulaires d’un droit – et les autorités administratives – dans la mesure où le droit du Land en dispose ainsi- (§ 61). Le ministère d’avocat n’est requis à proprement parler que devant la Cour fédérale administrative (§ 67).

-Le principe constitutionnel selon lequel nul ne doit être soustrait à son juge légal (art. 101 1 2 LF) est concrétisé par les dispositions de compétence ratione materiae et ratione loci (§§ 45-53).

-Les dispositions de procédure sont impératives et ne laissent qu’une place très limitée à l’initiative du tribunal.

-Les débats sont oraux et publics. La procédure se déroule devant les juges qui rendront le jugement (§§ 96, 101 et s.).

-L’impartialité des juges et des autres personnes participant à la procédure (experts, traducteurs) est garantie par les possibilités d’exclusion et de récusation (§§54,138 n°2)

Une traduction due à M. Pierre Chenut de cette la loi 21 janvier 1960 sur la juridiction administrative avait été publiée en 1976 par M. Michel Fromont, sous l’égide du Centre français de droit comparé. Malheureusement rapidement frappée d’obsolescence par les multiples modifications intervenues depuis lors, cette traduction était de surcroît devenue pratiquement introuvable.

C’est pourquoi dans le cadre de sa politique de diffusion des informations sur le droit allemand, soit sous la forme de sa banque de données bibliographiques BIJUS, soit sous celle de mise à disposition des grands textes du droit public allemand, le Centre d’Études Juridiques Françaises de l’Université de la Sarre a pris l’initiative de procéder à une nouvelle traduction de cette loi, qui vient s’insérer entre celles de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale, du traité d’Union et de la loi sur la procédure administrative non-contentieuse (à paraitre en 1995), sans oublier bien sûr celle de la Loi fondamentale, réalisée par Chr. Autexier, J.-F. Flauss, M. Fromont, C. Grewe, O. Jouanjan et P. Koenig, publiée en 1992 et 1995 par 1’Office de presse et d’information du gouvernement fédéral.

La présente traduction a été soigneusement coordonnée avec ces autres textes ; la responsabilité essentielle de ce travail, ingrat mais indispensable, incombe à Mlle Anne Cathaly. Ont également concouru au travail de traduction les autres collaborateurs de la chaire de droit public français de l’Université de la Sarre et notamment Odile Fillacier, Bernhard Gemmel et Barbara Genius-Devime.

Christian Autexier, Anne Cathaly