Le présent cahier juridique traite de « l’influence des institutions sur les partis politiques », écrit par Pierre Avril.

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Introduction:

Pour aborder cet exposé consacré à l’influence des institutions sur les partis politiques, je partirai de la proposition inverse, c’est-à-dire de la proposition la plus courante, la plus connue, qui est l’influence des partis sur le fonctionnement des institutions. C’est un thème classique qui remonte aux anciens auteurs, puisque le premier à avoir décelé cette influence est Lord Bryce dans « The American Commonwealth » qui parut en 1891 et où il remarquait la parenté, la similitude, les analogies qu’il y avait entre l’élection présidentielle aux Etats-Unis et les élections parlementaires en Grande-Bretagne, qui sont souvent « un vote par lequel la nation confère le pouvoir exécutif à quelque homme d’Etat éminent ». On vote pour des députés, mais en réalité on choisit un premier ministre. Parce qu’il est le chef du parti majoritaire et que ce parti va gouverner, le premier ministre de Grande-Bretagne est en fait investi par le suffrage universel de manière analogue à ce qui se passe aux Etats-Unis. En 1891, Bryce est donc l’un des premiers auteurs sensible à l’influence qu’exercent les partis sur le fonctionnement des institutions.
Une vingtaine d’années plus tard, Ostrogorski, premier auteur à traiter systématiquement des partis politiques, va reprendre et systématiser cette analyse, toujours à propos de la Grande-Bretagne, en constatant que l’intervention des partis a pour effet de retirer à la Chambre des Communes, le pouvoir théorique que cette chambre détient d’investir ou de renverser les gouvernements car, dit-il, le chef du cabinet est désigné non par le vote de la chambre mais par celui du corps électoral. Par conséquent, dès cette époque (1912), certains auteurs perspicaces et attentifs avaient noté que les partis politiques transformaient profondément le fonctionnement des institutions. Plus tard, il faut attendre les années 50 avec le grand livre de Maurice Duverger sur les Partis politiques, pour avoir une systématisation plus théorique. Le troisième chapitre de son livre s’appelle « Partis et régimes politiques », et il y étudie les partis et le choix du gouvernement, les partis et la représentation de l’opinion, les partis et la structure du gouvernement.
Plus près de nous, Jean-Claude Colliard, dans sa thèse sur « les régimes parlementaires contemporains » publiée en 1978, montre qu’une typologie des régimes parlementaires actuels se fonde essentiellement sur des critères empruntés aux systèmes de partis. Et Jean-Claude Colliard retient deux critères, celui de la structuration par les partis et celui de la stabilisation, c’est-à-dire de la cohésion des majorités et notamment des coalitions qui gouvernent dans la plupart des régimes parlementaires, en dehors de ceux où il y a un two-party-system. C’est dire que c’est une idée acquise désormais, suivant laquelle les systèmes de partis représentent un élément aussi important et peut-être même plus important que les institutions et les constitutions lorsque l’on veut définir, comprendre et analyser les régimes politiques d’aujourd’hui, singulièrement les régimes parlementaires.