Le premier Cahier juridique est écrit par le Professeur Claude Witz et traite de  « La coopération commerciale dans la Convention ACP- CEE du 31 octobre 1979 de Lomé I à Lomé II ».

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Introduction

L’objectif de la coopération commerciale, tel qu’il est défini par l’article 1er de la Convention de Lomé est double : il s’agit tout d’abord et avant tout de promouvoir le commerce entre les Etats ACP et la Communauté, principalement en vue d’accélérer le flux des exportations des Etats ACP vers la Communauté, et d’assurer par là-même un meilleur équilibre dans les échanges commerciaux des parties contractantes ; le deuxième objectif de la coopération est de promouvoir le commerce entre les Etats ACP eux-mêmes.

Mais pour pouvoir exporter, il faut d’abord produire. La coopération commerciale ne peut et ne doit pas être considérée comme un domaine clos, séparé des autres formes de coopération. Bien au contraire : la coopération commerciale est dans leur dépendance étroite ; elle n’est que le prolongement et le reflet de l’ensemble des coopérations prévues par la Convention.

Si la coopération commerciale est inséparable des autres formes de coopération, cela ne veut pas pour autant dire qu’elle n’appelle pas de mesures particulières. A supposer qu’il y ait, pour les pays ACP, des produits à exporter, il est indispensable que le régime des échanges commerciaux puisse faciliter ces exportations. A cet égard, il fallait résolument tourner le dos au régime néo-libéral des échanges conçu par et pour les pays industrialisés.

L’instauration d’une inégalité juridique compensatrice de l’inégalité de fait dans les relations entre pays industrialisés et pays en voie de développement est une revendication ancienne de ces derniers. Il serait « injuste de traiter de façon égale des choses inégales », selon une formule célèbre prêtée au Délégué de l’Inde lors de la première session de la CNUCED. Dans le domaine des relations commerciales, cette inégalité compensatrice devrait se traduire par le déséquilibre des concessions que se font pays industrialisés et pays en voie de développement. A cet égard, les Conventions de Lomé apportent une contribution décisive et exemplaire à l’édification d’un ordre juridique nouveau régissant les relations commerciales entre pays développés et pays en voie de développement. Cette contribution est désormais trop connue pour qu’il soit nécessaire de la décrire longuement. Rappelons-la brièvement. Les Conventions de Lomé ont posé le principe du libre accès non réciproque des produits originaires des pays ACP au marché communautaire. Le libre accès consiste en l’exemp­tion des droits de douane et des taxes d’effet équivalent et en la non-ap­plication de restrictions quantitatives sur les importations des produits originaires des pays ACP dans la Communauté. L’ouverture du marché commu­nautaire aux produits ACP s’opère sans réciprocité. La Communauté ne de­mande pas à ses partenaires des avantages identiques à ceux qu’elle leur consent. Ce principe de non-réciprocité, innovation majeure de la Conven­tion de Lomé I, est énoncé à l’article 9 de la Convention de Lomé II : « Compte tenu des nécessités actuelles de leur développement, les Etats ACP ne seront pas tenus de souscrire, pendant la durée de la présente Conven­tion, en ce qui concerne l’importation de produits originaires de la Com­munauté, à des obligations correspondant aux engagements pris par la Com­munauté, en vertu du présent chapitre, à l’égard de l’importation des pro­duits originaires des Etats ACP ». Cette absence de réciprocité laisse les Etats ACP absolument libres de leur politique commerciale, tant à l’égard de la Communauté que des pays tiers, sous une seule condition, celle de n’exercer aucune discrimination entre les Etats membres et d’accorder à la Communauté un traitement au moins aussi favorable que le régime de la nation la plus favorisée. Toutefois, les Etats ACP ne sont pas tenus d’appliquer, au titre de la nation la plus favorisée, ni ce qu’ils s’accordent entre eux, ni ce qu’ils accordent à d’autres pays en voie de développement4. Cette disposition marque le souci des signataires de la Convention d’éviter que les échanges commerciaux entre la Communauté et les pays ACP puissent entraver, de quelque manière que ce soit, les échanges commerciaux entre pays ACP ou, plus généralement, les échanges entre pays en voie de développement.

Sept ans après la Convention de Lomé I, trois ans après celle de Lomé II, l’heure n’est plus de se féliciter, comme on l’a fait dans le passé, de l’important pas en avant opéré par l’octroi aux Etats ACP d’un système de libre échange non réciproque. Il est temps de dresser un bilan des échanges commerciaux ACP – CEE : force est de constater que les espoirs mis dans le régime général des échanges commerciaux prévu par les Conventions de Lomé ont été déçus. Il ne faut pas s’en étonner outre mesure. Ce régime n’est, ne l’oublions pas, qu’un cadre permissif que l’ensemble des autres formes de coopération permettent de remplir. Pour vendre, il faut pouvoir vendre, c’est-à-dire avoir des produits à mettre sur le marché. Mais aussi, il faut savoir vendre, ce dont les signataires des Conventions de Lomé ont été pleinement conscients, puisqu’ils ont consacré tout un volet de la coopération commerciale à la promotion commerciale. Aussi, après avoir dressé le bilan des échanges commerciaux régis par les Conventions de Lomé, il conviendra d’examiner la promotion commerciale qui, avec les autres formes de coopération, devrait être en mesure d’améliorer à l’avenir les termes des échanges.