République fédérale d’Allemagne: la jurisprudence constitutionnelle en 2017 (Les juridictions civiles et administratives)

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Auteurs / Autoren:FROMONT, MICHEL
Revue / Zeitschrift:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger
Catégorie / Kategorie:Droit administratif, Droit civil, Droit constitutionnel, droit politique
  1. Les droits de la minorité dans les commissions d'enquête
La Cour de justice fédérale, juridiction suprême en matière civile et pénale, a eu à arbitrer en 2017 une querelle au sujet du fonctionnement de la commission d'enquête créée le 20 mars 2014 par le Bundestag pour enquêter sur les activités d'espionnage des services de renseignements des États dits des "Cinq Yeux": États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande. Conformément à l'article 44 de la Loi fondamentale, la commission avait été créée par demande des députés de l'opposition réunissant un quart des membres du Bundestag. La décision d'entendre Edward Snowden fut prise le 8 mai 2014, mais la commission se divisa sur l'opportunité de l'interroger en Allemagne ou en Russie. Deux propositions s'affrontèrent, celle de la majorité qui ne voulait pas l'interroger en Allemagne et celle de la minorité qui demandait que le gouvernement organise le voyage de Snowden de Moscou à Berlin. Le juge d'instruction de la Cour fut alors saisi d'un recours de la part de la minorité et le 11 novembre 2016, il donna raison à la minorité et, en conséquence, ordonna à la commission de faire procéder à l'audition de Snowden en Allemagne. La majorité contesta cette décision devant la Cour fédérale de justice et obtint gain de cause non pour des raisons de fond, mais pour des raisons de compétence. La Cour était en présence de deux textes contradictoires: l'article 44, alinéa 1 de la Loi fondamentale qui dispose: "Le Bundestag a le droit et, à la demande d'un quart de ses membres, l'obligation de constituer une commission d'enquête chargée de recueillir les preuves nécessaires en audience publique" et le §15, alinéa 2 de la loi sur les commissions d'enquête du Bundestag qui dispose: "Les preuves sont à recueillir lorsqu'elles sont demandées par un quart des membres de la commission d'enquête, à moins que la recherche des preuves soit irrecevable ou que les moyens de preuve soient inaccessibles même en employant les moyens de contrainte prévues dans cette loi". Le 23 février 2017, La Cour fédérale de justice a eu à se prononcer sur la constitutionnalité de l'application des dispositions de la loi sur les commissions d'enquête. La Cour a préféré combiner les deux règles en donnant à la loi sur les commissions d'enquête une interprétation "conforme à la constitution" qui exige que la demande soit faite par "un quart des membres du Bundestag". Cette décision est caractéristique des raisonnements des juristes allemands: ceux-ci n'hésitent pas à recourir à des argumentations complexes pour parvenir à un résultat qui n'est pas évident à la simple lecture des textes. Pour consulter cette décision: http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=en&Datum=2017-2-23&client=%5B%273%27%2C+%273%27%5D&nr=77709&pos=3&anz=27 2. Le droit d'un mourant d'acquérir des doses mortelles de stupéfiants Le 2 mars 2017, la Cour administrative fédérale a cassé le jugement d'une cour administrative d'appel qui avait approuvé l'Office fédéral des médicaments et des produits médicaux pour avoir refusé à une malade incurable 15 g de Natrium-Pentobarbital afin de pouvoir se suicider seule. L'intéressée avait eu un très grave accident en 2002 et la partie de son corps en dessous de son cou était restée entièrement paralysée, victime de grandes souffrances physiques. À la fin de 2004, l'Office fédéral des médicaments et des produits médicaux a refusé de lui fournir la dose mortelle de poison qu'elle avait sollicité et en 2005, elle s'est résignée à aller en Suisse pour se suicider avec l'aide de l'association suisse Dignitas. Son mari avait ensuite formé une action déclaratoire auprès des juridictions administratives, mais le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel avaient jugé que le mari n'avait pas le droit d'agir en justice contre le refus de l'Office fédéral. La Cour constitutionnelle fédérale fut alors saisie, mais le recours individuel pour violation des droits fondamentaux ne fut même pas admis à une procédure d'examen. Le mari s'adressa à la Cour européenne des droits de l'homme. Le 17 décembre 2012, elle jugea que le mari était recevable à faire valoir l'atteinte qui avait été portée à son droit au respect de sa vie privée. Le mari saisit alors de nouveau le tribunal administratif et la cour administrative d'appel qui rejetèrent sa plainte en se fondant sur les modifications apportées par la loi sur les stupéfiants afin de rendre plus facile l'accès aux soins palliatifs. Le mari forma un pourvoi en cassation devant la Cour administrative fédérale et obtint satisfaction: les décisions des juridictions administratives du fond furent cassées par la Cour administrative fédérale et le refus de l'Office fédéral fut annulé. Pour consulter la décision: https://www.bverwg.de/020317U3C19.15.0

République fédérale d’Allemagne: la jurisprudence constitutionnelle en 2017 (Les pouvoirs publics III)

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Auteurs / Autoren:FROMONT, MICHEL
Revue / Zeitschrift:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, droit politique, Politiques, économie et société, Procédure constitutionnelle
Les devoirs incombant à une commission parlementaire saisie d'une proposition de loi L'affaire jugée par la Cour constitutionnelle fédérale le 14 juin 2017 illustre la tendance actuelle à une certaine judiciarisation des relations entre les députés de l'opposition et le gouvernement de grande coalition qui a derrière lui environ 80% des membres du Bundestag. De 2013 à 2017, le groupe parlementaire "Alliance 90/Les Verts" (Bündnis 90/ Die Grünen) et le groupe parlementaire La Gauche (Die Linke), puis le Bundesrat, ont bataillé pour que les propositions de loi tendant à autoriser le mariage entre personne de même sexe soient examinées par la commission des affaires juridiques et fassent l'objet d'un vote, ce qui était nécessaire pour que le Bundestag puisse statuer sur les propositions en séance plénière. Or, dans cette commission, il y eut bien quelques débats, mais ils furent suspendus à 15 reprises sans qu'aucun vote n'intervienne, ce qui a empêché les propositions de loi d'être transmises au Bundestag. Les deux groupes parlementaires qui avaient déposé les propositions saisirent la Cour constitutionnelle fédérale d'une demande d'ordonnance provisoire tendant à ce qu'il soit ordonné à la commission compétente de mener l'examen des propositions à son terme afin de permettre au Bundestag de se prononcer avant qu'il ne se sépare pour les élections générales du 24 septembre 2017. La Cour Constitutionnelle a rejeté le 14 juin 2017 la demande d'ordonnance provisoire demandée par les deux groupes parlementaires opposés à la Commission des affaires juridiques et du droit de la consommation dans le cadre d'un litige "entre organes" (article 93, alinéa 1, n°1 de la Loi fondamentale). Pour consulter la décision: https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/06/qs20170614_2bvq002917.html

République fédérale d’Allemagne: la jurisprudence constitutionnelle en 2017 (Les pouvoirs publics II)

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Auteurs / Autoren:FROMONT, MICHEL
Revue / Zeitschrift:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, droit politique, Procédure constitutionnelle
Les droits du Parlement à être informé par le gouvernement Depuis quelques années, les groupes parlementaires des Verts et de la Gauche, qui sont dans l'opposition, essaient d'obtenir des informations confidentielles de la part du gouvernement sur des questions brûlantes, mais le gouvernement fait le plus souvent la sourde oreille. Ainsi, de nombreuses affaires mettant en cause le droit du Parlement et de ses membres à être informés par le gouvernement son portées devant la Cour constitutionnelle fédérale. Le 13 juin 2017, la Cour a admis partiellement le bien-fondé de la demande des deux groupes parlementaires mentionnés qui contestaient le refus du gouvernement fédéral de répondre à plusieurs questions posées au sujet de l'attentat à la bombe perpétré à l'aéroport de Munich le 26 septembre 1981. Le gouvernement a fait valoir qu'une réponse à cette demande risquait de gêner l'action de la police dans sa tâche de surveillance du terrorisme. Après plusieurs échanges de lettres entre les groupes parlementaires et le gouvernement, un "litige entre organes" (Organstreitverfahren) a été introduit en mai 2015 par les deux groupes parlementaires. Les requérants n'ont obtenu satisfaction que partiellement. La Cour a estimé que si le droit d'information du Parlement est capital, il n'est pas sans limites: le Bundestag ne peut solliciter des informations que dans les domaines de compétence du gouvernement, son exercice ne peut pas mettre en danger des personnes, une motivation doit accompagner la décision refusant de donner les informations demandées. Le gouvernement peut ainsi invoquer la mise en danger que la divulgation de telles informations peut causer, soit au bien public, soit aux droits fondamentaux des personnes devant agir en secret. Une autre décision, rendue le 7 novembre 2017, concerne le droit d'information du Parlement portant sur des entreprises publiques, notamment la Société des chemins de fer allemands et divers établissements financiers et sur la surveillance du marché financier. La Cour révèle que le gouvernement fédéral est responsable de l'exercice correct des compétences de ces organismes publics et de la bonne gouvernance des établissements financiers possédés à 100% par la Fédération et qu'il doit répondre aux questions posées par le Parlement pour autant que ces questions n'excèdent pas le droit à l'information que détient le Parlement envers le gouvernement. La Cour énumère alors différents motifs pouvant justifier le refus de répondre aux questions: l'intérêt général, en l'espèce le bon fonctionnement du marché financier et le risque de baisses importantes des titres ou de la réputation des établissements financiers en cause en démontrant que ces arguments ne peuvent justifier le refus d'information. Pour consulter ces décisions: https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/06/es20170613_2bve000115.html https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/11/es20171107_2bve000211.html

Révision et mutation constitutionnelles

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Auteurs / Autoren:JELLINEK, GEORG
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Dalloz, collection Droit politique
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, droit politique, Philosophie du droit
Verfassungsänderung und Verfassungswandlung de Georg Jellinek paraît en 1906, mais il faut attendre 2018 afin que le texte allemand soit rendu accessible au public français non-germanophone. Il s’agit d’un « livre bref mais danse », issu d’une conférence donnée le 18 mars 1906 devant la Société des juristes viennois, se situant « aux frontières du droit public et de la politique », car « il est certainement tout à fait utile d’attirer l’attention sur quelques questions politiques d’une extrême importance, que la science allemande a seulement effleurées […] », écrit Jellinek. Il s’agit d’une enquête, menée avec la finesse propre au juriste d’origine autrichienne ayant trouvé sa place à la Ruperta Carola, l’Université de Heidelberg, qui porte sur la force de la « puissance suprême des lois fondamentales, socle stable sur lequel repose l’ensemble de l’édifice étatique » qui peut se trouver ébranlé par sa confrontation avec la réalité politique. Car « [q]u’on le veuille ou non, les lois fondamentales, comme toutes les autres lois, sont plongées par une nécessité inéluctable dans le cours des événements historiques », ce qui nous amène à nous interroger sur la manière dont sont modifiées les règles de droit contenues dans les constitutions. Ainsi, l’État souverain possède une « puissance de volonté illimitée » afin de « réviser sa constitution, l’abroger, la remplacer par une autre ». Ces changements surviennent parfois en dehors des chemins tracés par le droit : l’édifice institutionnel peut être la proie de bouleversements violents, de révolutions dont la conséquence est la création de droit nouveau. Il convient alors de se poser la question de savoir quelles sont les limites de ces changements. Jellinek distingue les révisions des mutations constitutionnelles. Les premières représentent des modifications des textes constitutionnels résultant d’ « actes de volonté intentionnels ». Les secondes sont des modifications qui ne laissent les textes « formellement inchangés » et résultent de « certains faits, sans que ceux-ci s’accompagnent nécessairement de l’intention d’opérer une telle modification ou de la conscience de le faire ». Pour l’auteur de la Théorie générale de l’État (Allgemeine Staatslehre), la doctrine des mutations constitutionnelles est « d’un intérêt bien supérieur à celle des révisions constitutionnelles ». Au-delà des réflexions sur la différence entre ces deux notions et phénomènes juridico-politiques, l’opus de Jellinek analyse les lacunes constitutionnelles, l’état du parlementarisme et « ses mutations en Amérique et en Angleterre », la limitation du pouvoir des parlements par les institutions démocratiques. La version française, fruit du travail de Marie Ange Roy, auquel s’est associé Olivier Jouanjan, traduit les subtilités de l’élégant langage de Georg Jellinek.

Le juge, la politique et la démocratie : analyse comparative du discours des élites juridiques sous Weimar et dans l’après-guerre

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Auteurs / Autoren:LE BOUEDEC NATHALIE
Source / Fundstelle:In: Allemagne d'aujourd'hui, 2014, numéro 208, p. 31-42.
Revue / Zeitschrift:Allemagne d'aujourd'hui
Année / Jahr:2014
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, droit politique, Politiques, économie et société, pratique du droit
Mots clef / Schlagworte:DEMOCRATIE, ELITES JURIDIQUES, FONCTION DES JURISTES, JUGES ET COURS DE JUSTICE, REPUBLIQUE DE WEIMAR

ISBN: 9782757407752

La continuité du personnel au sein de la justice et des élites juridiques par-delà les trois changements de régime politique qu’a connus l’Allemagne dans la première moitié du XXe siècle est un fait établi et déjà largement commenté. Ce n’est donc pas à partir des personnes, mais à partir des discours que cet article se propose d’analyser l’évolution de ces élites sous Weimar et dans l’immédiat après-guerre. Une question centrale et récurrente ressort alors des débats passionnés autour de la justice et plus particulièrement des juges : la démocratie impliquait-elle une redéfinition de la position, de la fonction et du travail du juge, et si oui dans quel sens? La période weimarienne voit s’affronter violemment deux discours : un discours « rénovateur » très minoritaire, qui estime que le passage à la démocratie a nécessairement des conséquences pour le juge, et un discours conservateur ou « réactionnaire » dominant qui se refuse à toute remise en question. Après 1945, l’existence d’un consensus minimal autour du système démocratique favorise une évolution du rapport de force dans le sens du paradigme du « juge démocrate ». Néanmoins, des éléments du discours « réactionnaire » weimarien persistent. Les discours des élites juridiques témoignent ainsi à leur manière du lent processus de démocratisation de la société allemande après 1945.

(résumé repris de hal.archives-ouvertes.fr)

Disponible sur cairn.fr