Verfassungsänderung und Verfassungswandlung de Georg Jellinek paraît en 1906, mais il faut attendre 2018 afin que le texte allemand soit rendu accessible au public français non-germanophone. Il s’agit d’un « livre bref mais danse », issu d’une conférence donnée le 18 mars 1906 devant la Société des juristes viennois, se situant « aux frontières du droit public et de la politique », car « il est certainement tout à fait utile d’attirer l’attention sur quelques questions politiques d’une extrême importance, que la science allemande a seulement effleurées […] », écrit Jellinek.
Il s’agit d’une enquête, menée avec la finesse propre au juriste d’origine autrichienne ayant trouvé sa place à la
Ruperta Carola, l’Université de Heidelberg, qui porte sur la force de la « puissance suprême des lois fondamentales, socle stable sur lequel repose l’ensemble de l’édifice étatique » qui peut se trouver ébranlé par sa confrontation avec la réalité politique. Car « [q]u’on le veuille ou non, les lois fondamentales, comme toutes les autres lois, sont plongées par une nécessité inéluctable dans le cours des événements historiques », ce qui nous amène à nous interroger sur la manière dont sont modifiées les règles de droit contenues dans les constitutions. Ainsi, l’État souverain possède une « puissance de volonté illimitée » afin de « réviser sa constitution, l’abroger, la remplacer par une autre ». Ces changements surviennent parfois en dehors des chemins tracés par le droit : l’édifice institutionnel peut être la proie de bouleversements violents, de révolutions dont la conséquence est la création de droit nouveau. Il convient alors de se poser la question de savoir quelles sont les limites de ces changements. Jellinek distingue les révisions des mutations constitutionnelles. Les premières représentent des modifications des textes constitutionnels résultant d’ « actes de volonté intentionnels ». Les secondes sont des modifications qui ne laissent les textes « formellement inchangés » et résultent de « certains faits, sans que ceux-ci s’accompagnent nécessairement de l’intention d’opérer une telle modification ou de la conscience de le faire ». Pour l’auteur de la Théorie générale de l’État (
Allgemeine Staatslehre), la doctrine des mutations constitutionnelles est « d’un intérêt bien supérieur à celle des révisions constitutionnelles ». Au-delà des réflexions sur la différence entre ces deux notions et phénomènes juridico-politiques, l’opus de Jellinek analyse les lacunes constitutionnelles, l’état du parlementarisme et « ses mutations en Amérique et en Angleterre », la limitation du pouvoir des parlements par les institutions démocratiques.
La version française, fruit du travail de Marie Ange Roy, auquel s’est associé Olivier Jouanjan, traduit les subtilités de l’élégant langage de Georg Jellinek.