Gouvernement et liberté d’expression. Propos sur la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle fédérale

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Auteurs / Autoren:COSSALTER, PHILIPPE
Source / Fundstelle:Éditions Panthéon-Assas
Année / Jahr:2021
Localisation / Standort:in Gilles J. Gugliemi (dir.), Les mutations de la liberté d'expression en droit français et étranger, pp.103-114
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, droit politique, Procédure constitutionnelle
La jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle fédérale est la base des développements consacrés à la liberté d'expression sous l'aspect particulier de son exercice par des acteurs politiques. Si le thème peut être présenté de manière structurée en s'appuyant sur le droit allemand, ce n'est guère le cas s'agissant du droit français. Cependant, le 17 mai 2019 un jugement du Tribunal de grande instance de Paris a débouté deux députés communistes ayant attrait la société Twitter. L'objectif du recours était de démontrer l'inutilité de la loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information. En vertu de l'art. L.163-2 du Code électoral français "[p]endant les trois mois précédant le premier jour du mois d'élections [...] lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le bi Le ministre de l'Intérieur français avait twitté une information relative à une agression des personnels de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière. Cette information s'est révélée fausse. Le juge des référés rejette une demande de retrait du tweet du ministre, eu égard notamment au fait que "si le tweet a pu employer des termes exagérés [...] il n'a pas occulté le débat, puisqu'il a été immédiatement contesté, que de nombreux articles de presse écrite ou Internet" ont indique que les faits ne s'étaient pas déroulés de la manière exposée par le ministre. Cette affaire française montre que la liberté d'expression des membres du gouvernement peut être encadrée, mais par des voies détournées et principalement sur le fondement du Code électoral. Quant à la garantie de la liberté d'expression au bénéfice du gouvernement, elle ne semble pas avoir fait l'objet d'une consécration en tant que telle. Aux termes de l’article 5 de la Loi fondamentale, «chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous. […] Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois générales". politiques ont une importance et des missions particulières. Leur assise textuelle est l’article 21 de la Loi fondamentale disposant que « les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple». En tant que maillon intermédiaire dans la chaîne de formation de la volonté politique, situé entre la société civile et l’État, les partis politiques jouissent pleinement de la liberté d’expression. Le gouvernement «pour le peuple» réalisé par le moyen d’élections et le pouvoir d’État exercé par des organes spéciaux, investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire supposent l’existence de formations politiques représentant la volonté du peuple se trouvant dans la capacité de l’exprimer de manière suffisamment fidèle et complète. Si un parti candidat qui n’a pas de fonction gouvernementale peut librement s’exprimer afin de défendre son programme politique et convaincre le plus grand nombre d’électeurs, la question de l’étendue et de l’intensité de la liberté d’expression d’un parti ayant déjà accédé aux responsabilités gouvernementales est épineuse. Les membres du gouvernement bénéficient, en tant que membres d’un parti, de la liberté d’expression en ce qu’ils participent comme les autres partis politiques à la «pré-formation de la volonté politique» (I). Mais le risque de domination des partis de gouvernement sur les partis d’opposition tempère le principe d’égalité des chances dans la compétition politique, ce qui réduit grandement le droit de riposte du gouvernement (II).

Le covid-19 et le droit public allemand

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Auteurs / Autoren:KORDEVA, MARIA; COSSALTER, PHILIPPE
Revue / Zeitschrift:Revue française de droit administratif, n°4, pp. 661-671
Année / Jahr:2020
Localisation / Standort:Revue française de droit administratif
Catégorie / Kategorie:Droit administratif, Droit constitutionnel
La République fédérale d'Allemagne, longtemps restée "un pays sans catastrophes", n'était pas vraiment préparée à affronter la pandémie qui a balayé le monde et le continent européen au printemps 2020. La définition de la notion de pandémie peut représenter un "défi" pour les juristes, qui doivent puiser dans l'épidémiologie pour trouver des éléments probants de détermination de cet état sanitaire singulier. Les plans pandémiques allemands sont confectionnés en lien avec les planifications de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils n'ont pas de force juridique obligatoire et sont devenus, surtout concernant la majorité des plans des Länder, complètement anachroniques. La Loi fondamentale allemande ne propose pas, dans son arsenal normatif, des dispositions spécifiques permettant de mettre en oeuvre un état d'exception adapté à la situation sanitaire résultant de la vague épidémique de coronavirus. Contrairement à la France, l'Allemagne n'a pas de prime abord sombré dans l'inflation normative. Le 25 mars 2020 le Bundestag a établi, conformément à la nouvelle version du paragraphe 5 de la loi sur les maladies infectieuses transmissibles chez l'être humain, "l'état épidémique de portée nationale". Les dispositions permettant la mise en oeuvre de la politique sanitaire sont le paragraphe 28, alinéa 1er, concernant les mesures de protection en cas de détection de personnes malades, contagieuses ou porteuses d'une maladie transmissible et le paragraphe 32 relatif à l'édiction de règlements par les Länder afin de prendre des mesures adaptées. Le problème principal que pose cette réglementation réside en la confrontation entre deux masses de droits constitutionnellement protégés: les libertés individuelles et collectives doivent être sacrifiées sur l'autel de l'intégrité physique de la population tout en prenant en compte le principe de proportionnalité des mesures prises par les autorités fédérales ou régionales. Cette mise en balance devient d'une difficulté inextricable dans le cas de l'épidémie de coronavirus qui est caractérisée par l'incertitude du risque. La tâche du juge est plus difficile qu'à l'ordinaire car il doit apprécier les restrictions apportées à l'exercice des droits fondamentaux sans pour autant empiéter sur le champ politique, sans effectuer un contrôle de l'opportunité des décisions prises par les autorités. Traduction en langue française de la loi sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses humaines: https://www.bijus.eu/?p=13318

Jurisprudence de la Cour administrative fédérale d’Allemagne. L’office du juge administratif dans la détermination et l’interprétation du droit national et européen

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Auteurs / Autoren:KRAFT, INGO
Revue / Zeitschrift:Revue française de droit administratif, n°3, pp. 548-554
Année / Jahr:2020
Localisation / Standort:Revue française de droit administratif
Catégorie / Kategorie:Droit administratif, Droit comparé, Droit constitutionnel, Droit de l'Union Européenne, Procédure administrative
Le droit procédural n'est pas une fin en soi. Il permet de garantir le respect des droits des parties à l'instance mais également de s'assurer de la bonne compréhension des faits pertinents par le juge afin que le droit matériel y afférent soit correctement appliqué aux faits établis. La distinction entre établissement des faits et application du droit est commune à tous les codes de procédure dans le monde. Le présent article porte sur la détermination de la règle de droit applicable. La thèse selon laquelle le principe iura novit curia serait un bien commun de la pensée juridique de l'Europe continentale - contrairement aux pays de common law - est trop générale. S'agissant du droit procédural allemand, elle est en principe exacte, mais le juge administratif français - contrairement à son collègue allemand - statue, avant tout, au regard des moyens des parties, à l'exception des moyens d'ordre public qu'il doit soulever d'office. Si, selon le droit procédural allemand, le principe iura novit curia s'applique sans restriction dans la procédure en première instance, en appel ou en cassation quant au droit allemand, il en va naturellement de même pour les normes de droit international public ou le droit de l'Union européenne, contrairement à la pratique du Conseil d'Etat français qui examine uniquement les traités ou accords internationaux ou le droit de l'Union sur un grief d'une partie.

Prendre la Constitution au sérieux. Regard franco-allemand sur l’enchevêtrement des discours juridique et politique au prisme de la proportionnalité

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Auteurs / Autoren:DUBARRY, JULIEN
Revue / Zeitschrift:Recueil Dalloz, n°27, pp. 1525-1533
Année / Jahr:2020
Localisation / Standort:Recueil Dalloz
Catégorie / Kategorie:Droit administratif, Droit comparé, Droit constitutionnel, Droit de l'Union Européenne
« […] [L]a gestion de l’épidémie de Covid-19 constituait un laboratoire idoine permettant de voir à quel point les libertés fondamentales du bloc de constitutionnalité sont prises au sérieux par les pouvoirs publics dans une situation de vulnérabilité particulière. » La contribution présente, à partir du droit positif, une perspective franco-allemande montrant la différence d’approche des juges français et allemands confrontés à des questions relatives à la constitutionnalité de mesures privatives de libertés : le principe de proportionnalité est l’outil indispensable permettant l’examen de ces mesures. En ce qui concerne l’Allemagne, son organisation fédérale et les attributions internes de compétences donnent au juge constitutionnel fédéral et aux cours constitutionnelles des Länder une place qui, en France, est en partie dévolue au juge administratif au travers du référé-liberté. Le Conseil constitutionnel français vient compléter ce paysage juridictionnel, mais ne rassure guère quant à sa pratique du principe de proportionnalité qui semble manquer d’épaisseur (décision n°2020-799 DC du 26 mars 2020 : « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution »). Dans des circonstances exceptionnelles, c’est le principe de proportionnalité qui peut permettre au juge d’évaluer la gravité des atteintes portées aux libertés et de se démarquer du discours politique en s’érigeant en contre-pouvoir. Par conséquent, « garantir les libertés individuelles implique, pour l’organe qui en est chargé, le courage de prendre une décision nécessairement politique, dont l’ampleur se mesure à la rigueur du contrôle de proportionnalité exercé compte tenu des contraintes liées à l’urgence ». Mais, excepté les situations extraordinaires, le principe de proportionnalité peut être utilisé par le juge afin de garantir le respect de l’attribution de compétences attribuées à des organes supra-nationaux. Ainsi, dans la décision du 5 mai 2020 portant sur le programme d’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Program, PSPP) rendue par la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, le lecteur trouve le désaveu de la juridiction nationale du contrôle de proportionnalité exercé par la Cour de justice de l’Union européenne. La lecture de l’arrêt du juge allemand fait montre de l’intention de défendre les compétences régaliennes par le biais des principes actés par le constituant en prohibant aux autorités nationales de participer à la mise en œuvre d’une politique européenne qui ne répondrait pas aux exigences de la compétence d’attribution fixée par l’article 5 du Traité de l’Union européenne. La contribution est axée sur deux thèmes : la proportionnalité pour défendre les libertés de l’individu (I) et la proportionnalité pour préserver les compétences de l’État (II). Le contrôle de proportionnalité est, en droit constitutionnel, un instrument de pouvoir par lequel l’autorité de la décision, politique ou juridique, ne résulte pas de celle de son auteur mais de sa justification. Cependant, il convient de toujours procéder à une mise en balance délicate entre la rigidité du contrôle opéré par le juge et l’approbation sans nuance d’une décision politique qui équivaut dans ce cas à un contrôle de pure opportunité.

Le théâtre des juges selon Karlsruhe – Note sous BVerfG, décision du 5 mai 2020 (2 BvR 859/15, Rn. 1-237)

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Auteurs / Autoren:KORDEVA, MARIA
Source / Fundstelle:https://www.revuegeneraledudroit.eu
Revue / Zeitschrift:Revue générale du droit (RGD)
Année / Jahr:2020
Catégorie / Kategorie:Droit constitutionnel, Droit de l'Union Européenne
Mots clef / Schlagworte:BANQUE CENTRALE EUROPEENNE, Conflit avec le droit européen
Résumé:

L'auteur examine la décision du Bundesverfassungsgericht du 5 mai 2020 relative au programm d'achat de dettes publiques par la Banque centrale européenne, une décision qui n'a pas seulement agitée le monde juridique allemand mais qui a également été amplement commentée par la presse générale. À première vue cette décision contiendrait une violation du droit de l'Union européenne, elle est aujourd'hui étudiée par la Commission européenne afin de déterminer s'il serait possible de déclencher une procédure selon l'article 258 TFUE.

Après un résumé des faits ayant abouti à cette décision, le commentaire présente le raisonnement des juges afin de clarifier la pensée des juges derrière cette analyse actuelle controversée.

 

Plan:

I. Arrêt sur image ou la continuité jurisprudentielle au service de la Loi fondamentale: le droit politique selon Karlsruhe

A.) Le "déficit démocratique" de l'Union européenne ou le droit individuel à une légitimation démocratique suffisante des organes de l'Union

B.) Le processus d'intégration européenne "sous la surveillance totale de Karlsruhe"

II. Une décision ultra vires?: aux confins de la politique juridique

A.) L'obligation pour les organes fédéraux allemands de veiller à la répartition des compétences attribuées à l'Union

B.) Les effets du contrôle ultra vires exercé par la Cour constitutionnelle fédérale

 

À lire ici.