Dossier spécial sur l’affaire Lambert : VI. La libéralisation de l’euthanasie passive en Allemagne- Aspects comparatifs au regard de l’affaire Lambert

Données bibliographiques / Bibliografische DatenPrinter
Auteurs / Autoren:SCHLEGEL AUDREY
Source / Fundstelle:dans: Revue générale du droit, publié le 06/07/2014, numéro 3.
Année / Jahr:2014
Type / Typ:
Catégorie / Kategorie:Droit civil, Droit pénal, Strafrecht, Zivilrecht
Mots clef / Schlagworte:aktive Sterbehilfe, ein Recht auf Leben, Einwilligung, Euthanasie, DROIT A LA VIE, EUTHANASIE, EUTHANASIE active, EUTHANASIE passive, la volonté du patient

Article disponible sur  http://www.revuegeneraledudroit.eu/?p=17408

A l’heure où s’achève en France la douloureuse affaire Lambert, l’Allemagne aussi s’interroge sur l’euthanasie. Le ministre fédéral de la Justice Heiko MAAS a annoncé en janvier 2014 son intention de lancer d’ici la fin de l’année une réflexion sur ce sujet, devant mener à la rédaction d’un projet de loi1.

Le terme « Euthanasie » est connu de l’allemand, mais il lui est préféré l’expressionplus évocatrice de « Sterbehilfe » : l’aide à la mort. Celle-ci est à différencier de la notion de « Beihilfe zur Selbsttötung » (assistance à sa propre mort), également connue sous le nom de « assistierter Suizid » (suicide assisté). Ce dernier comportement consiste à fournir à une personne les moyens lui permettant de se donner elle-même la mort. Il n’encourt aucune sanction, dans la mesure où les §§ 211, 212 du  Strafgesetzbuch –StGB (Code pénal)  ne répriment que le fait de donner la mort à un autre être humain (à l’encontre de la lettre de leurs dispositions)2. Nous nous intéressons ici au seul cas de la Sterbehilfe. Ce terme recouvre deux comportements différents : l’euthanasie active  (aktive Sterbehilfe)  et l’ euthanasie passive (passive Sterbehilfe) . La doctrine3 et la jurisprudence4 s’accordent pour dire que l’aktive Sterbehilfe demeure strictement réprimée par le droit allemand. Mais la passive Sterbehilfe  est légale et encadrée par la loi du 29 juillet 2009, dite « Patientenverfügungsgesetz » (Loi sur les dernières volontés du patient). Cette loi pose le cadre juridique de la fin du traitement médical (Behandlungsabbruch). Cet encadrement législatif a été complété par la jurisprudence. Etrangement, celle-ci provient uniquement du Bundesgerichtshof-BGH (Cour fédérale) et non du Bundesverfassungsgericht-BVerfG (Tribunal Constitutionnel Fédéral), lequel est pourtant l’organe judiciaire de prédilection pour trancher des grands débats politiques et/ou de société5. La question de l’euthanasie passive semble donc relever en droit allemand bien plus de la technique que de la politique juridique. Cet aspect technique fut particulièrement mis en avant dans la dernière décision du BGH ((BGH, 20.06.2010, n° 2 StR 454/09.)) à ce sujet, datant de 20106. L’euthanasie passive soulève certes en droit allemand d’intéressantes questions techniques, dans la mesure où elle relève à la fois du droit civil et du droit pénal (I). Mais au-delà de ces aspects techniques se profile un choix de politique juridique : le choix de faire ou non du droit à la vie un droit laissé à la libre disposition de la personne (II). Par Audrey Schlegel, Collaboratrice scientifique à la Chaire de droit public français de l'Université de la Sarre.