Août 31, 2018

Les devoirs incombant à une commission parlementaire saisie d'une proposition de loi
L'affaire jugée par la Cour constitutionnelle fédérale le 14 juin 2017 illustre la tendance actuelle à une certaine judiciarisation des relations entre les députés de l'opposition et le gouvernement de grande coalition qui a derrière lui environ 80% des membres du Bundestag. De 2013 à 2017, le groupe parlementaire "Alliance 90/Les Verts" (Bündnis 90/ Die Grünen) et le groupe parlementaire La Gauche (Die Linke), puis le Bundesrat, ont bataillé pour que les propositions de loi tendant à autoriser le mariage entre personne de même sexe soient examinées par la commission des affaires juridiques et fassent l'objet d'un vote, ce qui était nécessaire pour que le Bundestag puisse statuer sur les propositions en séance plénière. Or, dans cette commission, il y eut bien quelques débats, mais ils furent suspendus à 15 reprises sans qu'aucun vote n'intervienne, ce qui a empêché les propositions de loi d'être transmises au Bundestag. Les deux groupes parlementaires qui avaient déposé les propositions saisirent la Cour constitutionnelle fédérale d'une demande d'ordonnance provisoire tendant à ce qu'il soit ordonné à la commission compétente de mener l'examen des propositions à son terme afin de permettre au Bundestag de se prononcer avant qu'il ne se sépare pour les élections générales du 24 septembre 2017. La Cour Constitutionnelle a rejeté le 14 juin 2017 la demande d'ordonnance provisoire demandée par les deux groupes parlementaires opposés à la Commission des affaires juridiques et du droit de la consommation dans le cadre d'un litige "entre organes" (article 93, alinéa 1, n°1 de la Loi fondamentale).
Pour consulter la décision:
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/06/qs20170614_2bvq002917.html
Août 31, 2018
Données bibliographiques / Bibliografische Daten |
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Auteurs / Autoren: | FROMONT, MICHEL |
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Revue / Zeitschrift: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4 |
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Année / Jahr: | 2018 |
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Localisation / Standort: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger |
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Catégorie / Kategorie: | Droit constitutionnel, droit politique, Procédure constitutionnelle |
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Les droits du Parlement à être informé par le gouvernement
Depuis quelques années, les groupes parlementaires des Verts et de la Gauche, qui sont dans l'opposition, essaient d'obtenir des informations confidentielles de la part du gouvernement sur des questions brûlantes, mais le gouvernement fait le plus souvent la sourde oreille. Ainsi, de nombreuses affaires mettant en cause le droit du Parlement et de ses membres à être informés par le gouvernement son portées devant la Cour constitutionnelle fédérale. Le 13 juin 2017, la Cour a admis partiellement le bien-fondé de la demande des deux groupes parlementaires mentionnés qui contestaient le refus du gouvernement fédéral de répondre à plusieurs questions posées au sujet de l'attentat à la bombe perpétré à l'aéroport de Munich le 26 septembre 1981. Le gouvernement a fait valoir qu'une réponse à cette demande risquait de gêner l'action de la police dans sa tâche de surveillance du terrorisme. Après plusieurs échanges de lettres entre les groupes parlementaires et le gouvernement, un "litige entre organes" (Organstreitverfahren) a été introduit en mai 2015 par les deux groupes parlementaires. Les requérants n'ont obtenu satisfaction que partiellement. La Cour a estimé que si le droit d'information du Parlement est capital, il n'est pas sans limites: le Bundestag ne peut solliciter des informations que dans les domaines de compétence du gouvernement, son exercice ne peut pas mettre en danger des personnes, une motivation doit accompagner la décision refusant de donner les informations demandées. Le gouvernement peut ainsi invoquer la mise en danger que la divulgation de telles informations peut causer, soit au bien public, soit aux droits fondamentaux des personnes devant agir en secret.
Une autre décision, rendue le 7 novembre 2017, concerne le droit d'information du Parlement portant sur des entreprises publiques, notamment la Société des chemins de fer allemands et divers établissements financiers et sur la surveillance du marché financier. La Cour révèle que le gouvernement fédéral est responsable de l'exercice correct des compétences de ces organismes publics et de la bonne gouvernance des établissements financiers possédés à 100% par la Fédération et qu'il doit répondre aux questions posées par le Parlement pour autant que ces questions n'excèdent pas le droit à l'information que détient le Parlement envers le gouvernement. La Cour énumère alors différents motifs pouvant justifier le refus de répondre aux questions: l'intérêt général, en l'espèce le bon fonctionnement du marché financier et le risque de baisses importantes des titres ou de la réputation des établissements financiers en cause en démontrant que ces arguments ne peuvent justifier le refus d'information.
Pour consulter ces décisions:
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/06/es20170613_2bve000115.html
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/11/es20171107_2bve000211.html
Août 31, 2018
Données bibliographiques / Bibliografische Daten |
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Auteurs / Autoren: | FROMONT, MICHEL |
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Revue / Zeitschrift: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4 |
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Année / Jahr: | 2018 |
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Localisation / Standort: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger |
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Catégorie / Kategorie: | Droit constitutionnel, Procédure constitutionnelle |
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L'absence d'inconstitutionnalité d'un parti hostile à la constitution
La Loi fondamentale prévoit l'interdiction des partis hostiles à la constitution dans les termes suivants: "Les partis qui, d'après leurs buts ou d'après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l'ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l'existence de la République fédérale d'Allemagne, sont inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l'inconstitutionnalité". En décembre 2013, le Bundesrat a déposé une demande d'interdiction du parti Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD), et le 17 janvier 2017, la Cour rendit un arrêt selon lequel ce parti était certes hostile à la constitution, mais qu'il n'était pas prouvé qu'il puisse atteindre ses objectifs contraires à la constitution et qu'il n'était donc pas inconstitutionnel au sens de la Loi fondamentale. Au printemps 2017, suivant une suggestion de la Cour, le Bundesrat et le Bundestag ont entrepris de modifier l'article 21 afin que la Cour puisse condamner les partis antidémocratiques soit à la dissolution, soit à une mesure moins rigoureuse, la privation de tout avantage financier (soit des subventions de l'État, soit des avantages fiscaux en faveur des donateurs). La loi de révision constitutionnelle a été promulguée le 13 juillet 2017. L'article 21, alinéa 2 est modifié en y ajoutant : "Lorsque cette exclusion est constatée, ces partis sont également privés des avantages fiscaux et des subventions. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l'inconstitutionnalité prévue par l'alinéa 3". Ainsi, il existe deux sortes de partis inconstitutionnels: ceux qui entreprennent de renverser le régime existant et constituent des menaces sérieuses et ceux qui manifestent leur hostilité à la démocratie libérale, mais qui ne sont pas dangereux pour l'instant: les premiers peuvent être dissous et les seconds peuvent être privés des aides de l'État.
Pour consulter la décision:
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/01/bs20170117_2bvb000113.html
Août 31, 2018
Données bibliographiques / Bibliografische Daten |
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Auteurs / Autoren: | FROMONT, MICHEL |
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Revue / Zeitschrift: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4 |
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Année / Jahr: | 2018 |
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Localisation / Standort: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger |
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Catégorie / Kategorie: | Droit du travail, droit syndical |
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La constitutionnalité de la loi imposant l'application d'une seule convention collective du travail par entreprise
L'Allemagne a longtemps été caractérisée par la position dominante occupée par le Deutscher Gewerkschaftsbund dans le paysage syndical. Réunissant huit fédération syndicales dites "de branche", cette confédération pouvait conclure des conventions collectives applicables à tous les travailleurs d'une entreprises ou d'un établissement, voire de toute une branche dans un Land ou sur tout le territoire fédéral. Les juridictions du travail avaient posé le principe selon lequel une seule convention collective peut être applicable aux travailleurs d'un même établissement ou entreprise. Cette jurisprudence de l'unité du droit conventionnel a été abandonnée en 2010 par la Cour fédérale du travail, car elle aboutissait à dénier aux syndicats de moindre importance toute possibilité de négocier eux-mêmes une convention collective. La loi du 3 juillet 2015 sur l'unicité du droit conventionnel a posé le principe selon lequel seule était applicable la convention collective conclue par le syndicat ayant le plus grand nombre de membres travaillant dans l'établissement ou l'entreprise. Cette loi a été attaquée par divers requérants (syndicats par exemple) pour violation de la liberté de conclure des conventions collectives. Le 11 juillet 2017, la Cour constitutionnelle fédérale a déclaré que la loi était partiellement contraire à la constitution. "Les atteintes (portées au droit des syndicats de conclure une convention collective) qui résultent de la supériorité de la convention collective majoritaire (sur les autres conventions conclues avec le même établissement ou entreprise) selon le §4a, alinéa 2, phrase 2, sont, nonobstant le poids important des buts de la loi et aussi en tenant compte des interprétations et modes d'application imposés par la constitution, sont disproportionnées du fait que les règles contestées ne prévoient aucune mesure pour protéger les membres des groupes ou des branches de métier contre leurs effets exclusivement dommageables". La décision a fait l'objet de critiques, car elle pose plus de questions qu'elle ne résout et elle élude beaucoup de questions. Les deux opinions dissidentes reprochent à la majorité d'avoir une vision inexacte de la situation sociale dans les entreprises et de s'être abstenue de critiquer un législateur qui avait adopté une vision unilatérale du paysage syndical, favorable aux grandes fédérations de branche.
Pour consulter la décision:
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/07/rs20170711_1bvr157115.html
Août 31, 2018
Données bibliographiques / Bibliografische Daten |
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Auteurs / Autoren: | FROMONT, MICHEL |
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Revue / Zeitschrift: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, n°4 |
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Année / Jahr: | 2018 |
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Localisation / Standort: | Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger |
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Catégorie / Kategorie: | Droit administratif |
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L'inconstitutionnalité de la répartition des places d'étudiants entre les universités
La pénurie de places d'étudiants dans les universités allemandes est de plus en plus grande et leur attribution donne lieu à un contentieux abondant. Deux étudiants souhaitant commencer des études de médecine et n'ayant obtenu aucune place dans une université ont contesté la légalité et la constitutionnalité de la décision leur refusant l'inscription. Le tribunal administratif de Gelsenkirchen a estimé que les règles de droit appliquées étaient contraires à la constitution et a posé le 18 mars 2014 à la Cour constitutionnelle fédérale la question de la constitutionnalité de l'ensemble des règles qui régissent l'attribution des places d'étudiants aux candidats à des études universitaires de médecine. Ces règles étaient constituées par le § 32 de la loi fédérale sur l'enseignement supérieur et les lois des 16 Länder approuvant le traité du 5 juin 2008 établissant un système commun d'admission aux établissement d'enseignement supérieur. La Cour constitutionnelle fédérale a rendu sa décision le 19 décembre 2017 en donnant raison au tribunal administratif qui avait dû faire la démonstration de l'inconstitutionnalité des règles de répartition des places d'étudiant en médecine. La disposition constitutionnelle qui commande tout est l'article 12, alinéa 1, phrase 1 de la Loi fondamentale selon lequel "Tous les Allemands ont le droit de choisir librement leur profession, leur emploi et leur établissement de formation". Selon cet article en combinaison avec l'article 3, alinéa 1 (principe d'égalité), "chaque candidate et chaque candidat à une place d'étudiant a droit à partager sur un pied d'égalité les places d'étudiant offertes par l'État t ainsi à être admis de façon égale aux études de son choix". "Les règles de répartition des places d'étudiant doivent fondamentalement s'orienter vers la prise en compte de l'aptitude. En outre, le législateur prend en considération l'intérêt général et le principe de l'État social. Dans le cas où il y a peu de places disponibles, il doit recourir à plusieurs critères pour caractériser l'aptitude recherchée." En conséquence, la Cour énumère les diverses dispositions législatives, fédérales ou fédérées, qui sont incompatibles avec la constitution et elle demande aux différents législateurs (Fédération et Länder) de modifier le système de répartition des places d'étudiant en tenant compte de ses appréciations et de ses exigences avant le 31 décembre 2019.
Pour consulter la décision:
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2017/12/ls20171219_1bvl000314.html