Par Audrey Eugénie Schlegel, LL.M., Collaboratrice scientifique à la Chaire de droit public français de l’Université de la Sarre

 

  • BGH, 30.01.2013, N° III ZB 40/12.

Le fait qu’un Etat étranger se soit contractuellement soumis à une procédure arbitrale signifie-t-il que cet Etat entend également renoncer à son immunité dans le cadre de la procédure d’exécution forcée ?

C’est la question à laquelle a répondu la Cour fédérale allemande (Bundesgerichtshof – BGH, juge suprême des juridictions ordinaires de l’ordre juridique allemand)) dans un arrêt du 30 janvier 2013.

L’arrêt présenté ici a le mérite de détailler les différentes étapes visant à obtenir en Allemagne l’exécution d’une sentence arbitrale prononcée à l’encontre d’un Etat étranger. Il fournit également l’occasion de clarifier un point important de terminologie concernant le sens à donner au mot « procès » en droit allemand.

Le 24 juin 2002 avait été conclu entre le Royaume de Thaïlande (ci-après : le Royaume) et la République Fédérale d’Allemagne (R.F.A.) un accord de protection des investissements, entré en vigueur le 20 octobre 2004. Une clause de cet accord prévoyait que les litiges entre le Royaume et les investisseurs bénéficiaires de cette protection seraient soumis à la juridiction d’une formation arbitrale. La société Don Muang, aux droits de laquelle vient la société allemande Walter Bau AG, était partie à un contrat de concession avec le Royaume concernant la construction et l’exploitation d’une autoroute menant à l’aéroport Don Muang de Bangkok.  La société Walter Bau AG avait engagé en application de l’accord signé en 2002, une procédure arbitrale à l’encontre du Royaume, arguant que celui-ci avait violé les engagements pris en 2002 en empêchant  la société Don Muang de tirer une rémunération appropriée de la concession. Le tribunal arbitral condamna le Royaume à lui verser une somme supérieure à 29 millions d’euros à titre de dommages et intérêts.

L’administrateur judiciaire de la Walter Bau AG déposa alors en R.F.A. une demande de reconnaissance de la sentence arbitrale. La Cour d’Appel de Berlin (Kammergericht Berlin) se fonda sur l’accord signé en 2002, lequel précisait expressément que les décisions du tribunal arbitral serait contraignantes pour le Royaume et devrait être exécuté en application du droit national pour reconnaitre et déclarer exécutoire cette sentence. Une autre décision aurait, selon la cour d’Appel de Berlin, violé les principes du droit international public. Par ailleurs, l’immunité garantie par ces mêmes principes contre les procédures d’exécution forcée ne vaudrait pas de manière générale, mais uniquement dans le cas où les objets de la procédure d’exécution forcée serviraient les activités régaliennes de l’Etat étranger concerné au moment du commencement de la procédure. Ce raisonnement est rejeté par la Cour Fédérale, qui casse l’arrêt de la Cour d’Appel.

La Cour fédérale se trouve ici confrontée à la (lourde) tâche de déterminer les conditions dans lesquelles une sentence arbitrale prononcée à l’encontre d’un Etat étranger qui aurait contractuellement renoncé à son immunité pour certains litiges portés devant une formation arbitrale, peut être reconnue afin d’être exécutée en Allemagne.

La Cour Fédérale commence par poser une distinction entre deux étapes de l’exécution forcée d’une sentence arbitrale prononcée à l’étranger contre un Etat étranger : la première phase concerne la reconnaissance de la sentence comme titre exécutoire (Vollstreckbarkeitserklärung), laquelle consiste en une procédure de jugement sui generis (Erkenntnisverfahren eigener Art), la seconde phase concerne l’exécution forcée au sens étroit du terme (Zwangsvollstreckung). La demande portait ici sur la première phase, pour laquelle des règles distinctes de la phase d’exécution forcée proprement dite seraient applicables (§10). Selon la Cour fédérale, si un Etat étranger a contractuellement accepté de se soumettre à la juridiction d’un tribunal arbitral afin de résoudre un litige, une interprétation de cet accord permettant à ce même Etat de faire appel à son immunité afin de faire échec à la reconnaissance de cette sentence par les tribunaux allemands, et par là à son exécution (forcée), serait contraire aux objectifs poursuivis par un tel accord. Cette contradiction serait d’autant plus évidente, d’après la Cour, que l’exécution forcée sur des objets dont l’Etat concerné ne se sert pas dans le cadre de ses activités régalienne est en principe légalement possible, sans qu’il soit besoin d’une autorisation ou d’une renonciation par cet Etat à son immunité (§14).

La Cour fédérale rappelle ici le principe général du droit international public selon lequel tout Etat bénéficie de l’immunité dans les phases de jugements des juridictions étrangères dans la mesure où le litige se rapporte à ses activités régaliennes, les acta iure imperii (hoheitliche Tätigkeiten) et non ses activités commerciales, les acta iure gestionis (kommerzielles Handeln). Elle s’attache ensuite à déterminer lequel de ces types d’activités était concerné ici (I.). S’agissant d’une activité régalienne, il lui fallait ensuite déterminer si l’Etat concerné avait en l’espèce renoncé à son immunité face à la juridiction allemande pour la phase de reconnaissance de la sentence arbitrale (II.). Une telle renonciation ayant été reconnue par la Cour dans l’accord signé le 24.06.2002 avec la République Fédérale d’Allemagne, il lui appartenait enfin de déterminer si l’investissement formant l’objet du litige en question est couvert par cet accord (III.).

I.               De l’application classique des principes généraux du droit international public

La Cour Fédérale se réfère ici à la distinction traditionnelle du droit international public entre activités régaliennes et commerciales des Etats pour déterminer si le royaume de Thaïlande est soumis à la juridiction allemande en procédure de jugement (« Erkenntnisverfahren »)- tout en précisant qu’il s’agit là de « règles du droit international public applicables en tant que droit fédéral (allemand) » (« als Bundesrecht geltende Regeln des allgemeinen Völkerrechts », §11). Rappelons en effet que l’Allemagne est dotée d’un système de droit que l’on peut qualifier de dualiste, au sens où une règle de droit international (public) n’acquière force contraignante dans l’ordre juridique interne qu’à la condition d’une transposition dans celui-ci. Cette règle du droit international public aura alors la valeur dans l’ordre juridique interne celle de son acte de transposition. Celui-ci est le plus souvent une loi, en l’espèce cependant une disposition constitutionnelle, l’art. 25 de la Loi fondamentale (« Grundgesetz – GG ») dispose que « les règles générales du droit international public font partie du droit fédéral. Elles sont supérieures aux lois et créent directement des droits et des obligations pour les habitants du territoire fédéral. » (traduction par Pr. Christian Autexier et al. Version complète mise à disposition par le Bundestag ).

Quel est alors le critère de distinction entre activités commerciales et régaliennes ? Le demandeur a suggéré que tout litige concernant une créance d’argent serait à rattacher au domaine des activités commerciales : la procédure de jugement concernant la reconnaissance d’une sentence arbitrale attribuant une créance d’argent interviendrait dès lors dans le cadre d’une activité commerciale de l’Etat concerné, qui ne pourrait alors s’appuyer sur son immunité pour faire échec à la demande de reconnaissance. Ce critère est cependant rejeté par la Cour fédérale.

Selon elle, dans le cadre d’une procédure de jugement le critère de distinction entre activités régaliennes et commerciales ne tiendrait ni aux motivations ni aux buts poursuivis par l’Etat. Le critère de distinction tient à la manière et à la nature de l’action ou de la relation juridique dont il est question. La Cour renvoie ici à sa propre jurisprudence ainsi qu’à un jugement du Tribunal Fédéral du Travail (Bundesarbeitsgericht – BAG), juge suprême des juridictions du travail allemandes. Cette distinction n’est donc nullement nouvelle dans la jurisprudence allemande.

La Cour ajoute une utile précision : le point décisif dans cette distinction est celui de savoir si l’Etat étranger a agi en exerçant des pouvoirs tirés de sa souveraineté (« in Ausübung ihm zustehender Hoheitsgewalt ») ou comme un agent privé (« Privatmann ») (§11).

En l’espèce, la sentence arbitrale avait condamné le Royaume de Thaïlande au paiement de dommages et intérêts en raison de la violation de l’accord de protection des investissements signés avec la République Fédérale d’Allemagne en 2002. Il s’agit donc d’une omission, devant être traitée comme une action, qui n’aurait pu être accomplie par une personne privée dans le commerce juridique. Cette action fait partie de l’exercice de la souveraineté du Royaume, et intervient dès lors dans le cadre d’une activité régalienne.

Dès lors, la demande en reconnaissance de la sentence arbitrale n’est recevable que si le Royaume s’est soumis à la juridiction allemande.

II.             Les diverses formes de renonciation à l’immunité de juridiction

Se pose dès lors la question des conditions d’une soumission volontaire à la juridiction allemande. La Cour fédérale détaille tout d’abord les différentes étapes menant en droit allemand à l’exécution de la sentence arbitrale prononcée à l’encontre d’un Etat étranger(A.). Elle fait ensuite application de principes connus du droit international public concernant l’interprétation des contrats internationaux pour poser les critères permettant de reconnaitre une renonciation contractuelle à son immunité par un Etat (B.)

A.    Distinction entre renonciation à l’immunité en procédure de jugement et en procédure d’exécution forcée

Une distinction doit être opérée entre la procédure visant à reconnaitre une sentence arbitrale comme exécutoire, procédure de jugement sui generis, et la procédure d’exécution (forcée) en elle-même. Dès lors, il ne peut être déduit qu’un Etat entendait renoncer à son immunité et se soumettre à une juridiction étrangère dans le cadre de la procédure d’exécution du seul fait que cet Etat ait renoncé à son immunité dans le cadre de la procédure de jugement (§14).

En l’espèce, le Royaume de Thaïlande avait accepté explicitement par l’accord de 2002  de se soumettre à la juridiction d’un tribunal arbitral dans le cadre de litiges l’opposant à un investisseur entrant dans le champ d’application de cet accord. Mais du de la renonciation à l’immunité dans le cadre de la procédure arbitrale, l’on ne peut pas systématiquement déduire une renonciation à l’immunité dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la sentence.

Il devient ici évident qu’un « procès arbitral » comporte trois étapes en droit allemand : la procédure devant la formation arbitrale, la procédure de reconnaissance de la sentence comme titre exécutoire devant le juge étatique, et l’éventuelle procédure d’exécution forcée devant ce même juge étatique.

Selon la Cour fédérale, il convient de rechercher si le Royaume avait renoncé à son immunité dans le cadre dans la procédure de reconnaissance de la sentence arbitrale.

B.    Application des règles générales d’interprétation du droit des contrats dans la recherche d’une renonciation à l’immunité

La Cour relève que dans le cadre de l’accord signé en 2002, le Royaume ne s’était pas contenté de se soumettre à une procédure arbitrale, première étape du « procès arbitral » d’après la distinction précédemment posée.

L’accord allait plus loin en précisant que la sentence arbitrale serait exécutable d’après les modalités du droit interne : cette stipulation se rapporte à l’exécution  de la sentence, troisième et dernière étape du « procès arbitral ».

La Cour fédérale fait dès lors application d’un principe général du droit international public, sans cependant le nommer expressément. Ce principe se rapporte à l’interprétation de contrats internationaux et dispose qu’un traité doit être interprété à la lumière de son but et de ses motifs. Cette règle se retrouve notamment codifiée dans la Convention de Vienne sur le droit des traités, à laquelle l’Allemagne est partie, mais non le royaume de Thaïlande. Ceci explique que la Cour ne se soit pas référée à cette Convention, pourtant souvent citée dans le reste de sa jurisprudence. La Cour applique ici cette règle en tant que principe général du droit international public. Selon l’art. 31 §1 de la convention de Vienne, les termes d’un traité doivent être interprétés dans le sens convenant à son but.  L’art. 32 b) ajoute que l’interprétation donnée aux termes d’un traité ne doit pas être contraire au but poursuivi par celui-ci.

En l’espèce, le but poursuivi par le traité est la protection des investissements allemands en Thaïlande. Ce but ne pourrait être atteint si les stipulations de cet accord étaient interprétées comme permettant au  Royaume de faire appel à son immunité dans l’étape de reconnaissance de la sentence arbitrale (seconde étape du procès arbitral), alors même qu’il ne bénéficierait d’aucune immunité dans le cadre de l’exécution forcée (troisième et dernière étape du procès arbitral).

En effet, le Royaume avait accepté dans l’accord de 2002 de se soumettre à la procédure d’exécution de la sentence arbitrale en application du droit interne : le Royaume avait ainsi renoncé à son immunité dans le cadre de la troisième étape. Par ailleurs, selon la cour, aucune autre règle applicable à la procédure d’exécution forcée ne fait pas obstacle à l’exécution forcée portant sur un objet dont l’Etat concerné ne fait pas usage dans le cadre de ses activités régaliennes.

Selon la Cour, il doit alors être déduit de cette acceptation des modalités du droit interne que le Royaume entendait également se soumettre à toute procédure qui en droit allemand précéderait et serait nécessaire à l’exécution forcée.

Ainsi, une soumission à la juridiction allemande pour la seconde étape du « procès » arbitral, celle de la reconnaissance de la sentence, peut être déduite toutes les fois qu’un Etat a accepté non seulement de se soumettre à la sentence d’une formation arbitrale, mais également à l’exécution de celle-ci selon les règles applicables en droit interne.

Reste donc à éclaircir le point de savoir si le litige était compris dans le champ d’application de l’accord signé en 2002, par lequel le Royaume s’était soumis à la juridiction d’un tribunal arbitral et à la juridiction allemande pour l’exécution de la sentence rendue par celui-ci.

III.           L’interprétation et l’application de l’accord du 24 juin 2002

La Cour fédérale tranche tout d’abord la question de la force de chose jugée de la décision intermédiaire du tribunal arbitral, par lequel celui-ci reconnait sa propre compétence. Selon la Cour, cette décision ne saurait s’opposer au réexamen de la compétence du tribunal par le juge étatique (A). Ensuite, la Cour Fédérale s’attache à déterminer les conditions dans lesquelles une renonciation tacite par un Etat étranger à son immunité sera  reconnue par le juge allemand (B).

A.    Effets de la chose jugée d’une décision arbitrale reconnaissant la compétence de la formation arbitrale

En l’espèce, le Royaume n’avait pas élevé de contredit contre la décision intermédiaire du tribunal arbitral reconnaissant sa propre compétence. Devant la Cour d’appel, il avait cependant soutenu un argument tiré de l’incompétence de la formation arbitrale à statuer sur le litige en absence de clause compromissoire valable. Selon le Royaume, le litige en l’espèce ne serait pas compris dans le champ d’application de l’accord de 2002, et la juridiction arbitrale n’aurait donc pas compétente pour statuer.

 La Cour d’Appel avait fait application de la Convention européenne du 21 avril 1961 sur l’arbitrage commercial international. En vertu de ces dispositions, la partie qui entend se prévaloir  de l’incompétence de la juridiction arbitrale devant le juge étatique doit l’avoir préalablement fait valoir, même sans succès, devant la juridiction arbitrale elle-même, ce dont le Royaume s’était abstenu.

Mais la Cour Fédérale relève que le Royaume n’est pas partie
à cette convention, qui ne peut alors être appliquée au cas d’espèce : la Cour d’Appel a donc commis une erreur de droit dans le choix de la règle applicable.

La Cour fédérale ajoute cependant que même si cette convention avait été applicable, le raisonnement de la Cour d’appel portait sur l’argument tiré de l’absence de clause compromissoire applicable au litige, et non sur celui de l’immunité souveraine. Or la question qui se pose ici est celle de savoir si le Royaume est fondé à se prévaloir de son immunité. Bien que les deux arguments permettent de conclure à l’incompétence de la juridiction arbitrale, ils doivent faire l’objet d’examens distincts. Et le rejet d’un des arguments ne conduit pas systématiquement au rejet de l’autre.

De plus, selon la Cour fédérale une sentence arbitrale niant l’immunité d’une des parties ne saurait avoir de valeur contraignante pour les instances étatiques subséquentes. Et ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une décision prise dans la même instance, mais dans une autre procédure de jugement (§18). Ici encore, la Cour indique clairement que la question de l’immunité dans le cadre de la procédure devant la juridiction arbitrale est à traiter différemment de cette même question dans le cadre d’une procédure de jugement ou d’exécution devant le juge étatique. La formulation tranchante de la Cour implique que si une partie soutient que la juridiction arbitrale a commis une erreur de droit aussi lourde que la négation d’une immunité souveraine, le juge étatique ne peut refuser de procéder à l’examen de la validité de la sentence sur ce point (« Une décision intermédiaire niant à tort une immunité n’a aucun effet contraignant », « Ein die Immunität zu Unrecht verneinendes Zwischenurteil entfaltet keine Bindungswirkung. »), §18).

Il semblerait que la Cour Fédérale conçoive la double intervention du juge étatique, aux étapes de la reconnaissance de la sentence arbitrale et de son exécution, comme une assurance de la bonne application du droit dans le procès arbitral. Ce qui explique que le juge étatique ne puisse se reposer sur les constatations de la juridiction arbitrale mais doive en principe contrôler la sentence sur tous les points invoqués devant lui par les parties.

La Cour Fédérale, après avoir énoncé ce principe  et cite sa jurisprudence précédente à ce sujet pour souligner qu’il ne s’agit pas d’un principe nouveau (arrêt du 9 juillet 2009, n° III ZR 46/08, §17 et s.), ne tranche pas la question elle-même. Elle renvoie l’affaire à la Cour d’appel de Berlin autrement composée. Tout comme cela aurait été le cas devant la Cour de Cassation française, la Cour Fédérale est appelée à juger en droit et non en faits.

B. Renonciation tacite à l’immunité

La Cour Fédérale envisage enfin l’hypothèse dans laquelle la Cour d’Appel constaterait que le litige en l’espèce n’entrerait pas dans le champ d’application de l’accord de 2002. Ceci amènerait  à conclure à l’incompétence du tribunal arbitral.

Faudrait-il alors lire une renonciation tacite par le Royaume à son immunité dans le fait qu’il n’avait pas introduit de recours contre la décision intermédiaire du tribunal arbitral par laquelle celui-ci concluait – peut-être à tort – à sa compétence ? Plus exactement, faut-il lire dans cette abstention du Royaume de faire valoir l’incompétence de la juridiction arbitrale, et le fait que le Royaume ait pris part à la procédure de jugement subséquente devant cette juridiction, une volonté de se soumettre à la juridiction arbitrale ?

 La Cour, faisant application de sa jurisprudence antérieure sur ce point (arrêt du 9 juillet 2009, n° III ZR 46/08, §17 et s.), répond par la négative. Le fait qu’une partie à un procès arbitral n’ait pas introduit de recours contre cette décision intermédiaire, et ait par ailleurs pris normalement part à la suite de la procédure arbitrale, ne saurait être interprété comme une renonciation par cette partie à son immunité dans le cadre de cette procédure arbitrale (§19).

Une distinction très claire apparait ici entre la renonciation contractuelle à l’immunité et la renonciation tacite et unilatérale. La renonciation contractuelle, même si elle ne porte que sur la première étape de la résolution d’un litige par l’arbitrage (l’étape de jugement devant une juridiction arbitrale), peut être étendue par l’interprétation du contrat à l’ensemble des étapes menant à l’exécution de la sentence arbitrale. En revanche, la renonciation unilatérale tacitement exprimée ne vaut que pour l’étape concernée.

Donc en l’espèce, même si la Cour d’appel décelait une renonciation tacite à son immunité dans le comportement du Royaume devant la juridiction arbitrale, elle devrait par la suite rechercher si une telle renonciation avait également été tacitement exprimée pour chacune des deux étapes subséquentes devant le juge étatique.

La Cour rappelle également les critères de reconnaissance d’une telle renonciation tacite, tirés de sa jurisprudence précédente en la matière. Ces critères sont « sévères », pour reprendre le langage même de la Cour (« strenge Anforderungen »). La renonciation ne peut être présumée (principe établi depuis un arrêt du 26 septembre 1978, n° IV ZR 267/76). Les actes dans lesquels est lue la renonciation tacite doivent clairement exprimer la volonté de leur auteur de se soumettre à la juridiction concernée (§19). De cette volonté de soumission à la juridiction est déduite la renonciation tacite à l’immunité souveraine.

En cas de doute, cette soumission ne vaut que pour le « procès » en cours (« wobei dieser sich im Zweifel auch nur auf den konkreten Prozess bezieht »). Il faut comprendre par le le terme de « procès » (Prozess) comme l’ensemble des instances enchaînées relatives à une même procédure

 

Pour aller plus loin :

–       traduction intégrale de la Loi Fondamentale par Pr. Autexier et al. : http://www.bundestag.de/htdocs_f/documents/cadre/loi_fondamentale.pdf

–       texte intégral de la décision de la Cour fédérale (en allemand) : http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=en&az=III%20ZB%2040/12&nr=63472