Le modèle allemand de la cassation

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Auteurs / Autoren:GROSS, NORBERT
Source / Fundstelle:in La cassation: genèse, évolution, méthode et diffusion d'une technique singulière, Dalloz, p. 161-170
Année / Jahr:2023
Catégorie / Kategorie:Droit privé, Histoire du droit, pratique du droit, Procédure civile
La contribution de Norbert Gross, ancien président de l’Ordre des avocats au Bundesgerichtshof, dans l’ouvrage collectif, paru en langue française, analyse avec finesse les origines de la procédure allemande la cassation, tout en mettant en exergue les différences insurmontables entre les modèles français et allemand, ainsi que les similitudes trompeuses des termes « Revision » et « cassation ». La Cour de justice fédérale (Bundesgerichtshof) allemande commence son histoire le 8 octobre 1950, même si elle n’est pas une innovation du système juridique de la jeune République fédérale. Il est possible de tracer sa filiation en remontant jusqu’à la Cour du Saint Empire germanique (Reichskammergericht), fondée à Francfort en 1495, qui, après un passage à Spire (1527), s’est durablement établie à Wetzlar (1690). Le Code de procédure de 1495-1555 et la pratique de la Cour de l’Empire sont à l’origine d’une véritable procédure de cassation mêlant à l’époque recours en appel, pourvoi en « Revision » et pourvoi en nullité. Ce modèle « allemand » est rompu entre 1815 et 1879. Quatre cours de cassation se trouvent installées (en Rhénanie, au Palatinat, en Hesse Rhénane et à Leipzig), qui ont pour modèle la Cour de cassation de Paris et qui emploient à la lettre le Code de procédure civile français. Cette période prend fin avec la création d’une Cour de l’Empire (Reichsgericht) à Leipzig et l’entrée en vigueur d’un nouveau Code de procédure civile (Zivilprozessordnung). Le modèle français est alors perçu comme trop formaliste, rigide et proche de l’État. Le Reichsgericht devient ainsi un Revisionsgericht, une « cour de révision ».  Cette transformation marque consomme la séparation définitive d’avec la tradition française procédurale. En revanche, le Code civil continue à exercer une influence : la deuxième chambre civile de la Cour de l’Empire, appelée « la Rhénane » ou « la Française » applique les règles du Code civil napoléonien jusqu’à l’entrée en vigueur du Bundesgesetzbuch en 1900, plus adapté à l’esprit allemand et toujours en vigueur. C’est le Reichsgericht qui donne ses contours à la Cour de justice fédérale. L’activité du Bundesgerichtshof se limite à la justice judiciaire (civile et pénale), les autres matières comme le droit du travail, les affaires sociales et le contentieux administratif sont attribuées à des cours fédérales spécialisées. La Cour de justice fédérale est une « cour de révision » et le recours – « pourvoi en révision », qui n’est pas semblable au recours en révision de l’article 593 du Code de procédure civile français. La Cour allemande peut casser une décision de cour d’appel, mais peut aussi aller plus loin : si les faits souverainement constatés par les juges du fond le permettent, elle peut prendre une décision au fond sans qu’un renvoi soit nécessaire. En cas de cassation, l’affaire est renvoyée à la même cour d’appel obligée de suivre l’interprétation donnée par la Cour de justice fédérale. L’instance de cassation est confiée aux seules mains des parties, maîtres de la procédure. Le rôle d’un avocat général ou d’un autre organe agissant dans l’intérêt de la loi est inconnu. La cassation (Revision) ne constitue pas une voie de recours extraordinaire, mais comme le troisième niveau de la procédure juridictionnelle. Trois critères spécifiques ouvrent la voie de la cassation : si l’affaire soulève une question de principe (1), si l’affaire présente un intérêt pour le développement du droit (2) ou si l’affaire présente un besoin pour l’unification du droit notamment en cas de divergence de jurisprudence (3). La simple violation de la loi ne constitue pas une cause d’accès à la cassation. Ces critères ont été assouplis par la jurisprudence de la Cour : ainsi, toute violation des droits fondamentaux permet d’ouvrir l’instance de cassation. L’accès à la cassation repose sur une procédure d’admission à deux niveaux. L’admission d’un pourvoi en cassation peut être accordée soit par la décision expresse de la cour d’appel dans l’arrêt attaqué, soit après une procédure d’admission préalable par une chambre civile du Bundesgerichtshof lui-même. Si la cour d’appel a refusé l’admission ou en cas de silence de l’arrêt, un pourvoi peut être directement introduit auprès du Bundesgerichtshof qui se prononce sur une éventuelle admission. Dans cette dernière hypothèse, la valeur du litige doit être égale ou supérieure à 20 000 euros. Pour les valeurs inférieures, la seule voie d’accès est l’admission par la cour d’appel. Comme le note à juste titre Norbert Gross, « le droit de la procédure et notamment celui de la cassation est aujourd’hui, comme hier et demain, un éternel terrain d’essais, ouvert au monde et à la recherche de solution à la fois cohérentes et pragmatiques ». Le « laboratoire franco-allemand » a conduit, au fil des années, au rapprochement de la « cassation » française et la « Revision » allemande, mais les différences profondes résultant de l’histoire et de la culture juridique de ces deux pays restent plus perceptibles que jamais.

La convention de Vienne – garant pour atténuer la AGB-Kontrolle allemande en matière de clause exonératoire de responsabilité

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Auteurs / Autoren:STEFFEN PAULMANN
Source / Fundstelle:LexisNexis, 2018, pp. 625-632
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Mélanges en l'honneur du Professeur Claude Witz
Catégorie / Kategorie:Droit des obligations, Droit privé
La convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises a connus depuis son entrée en vigueur en 1980 un grand succès et actuellement ratifiée par quatre-vingt-neuf pays dont les grands global players comme les États-Unis et la plupart des pays de l'Union européenne dont notamment la France et l'Allemagne. C'est un domaine de droit qui jouit d'un grand intérêt dans le monde scientifique, mais, dans le monde des praticiens, la convention de Vienne n'a pas connu le même succès. Au contraire, son domaine d'application se voit limité par une pratique contractuelle d'exclure presque systématiquement l'application des règles du CISG. Aujourd'hui, dans la majorité des contrats recueillis dans les ouvrages de pratique les plus répandus, il est toujours prévu dans les sections régissant la loi applicable que le contrat est régi par le droit national en excluant expressément les règles du CISG. Il est surprenant que parmi les arguments discutés en faveur de la convention de Vienne, on ne rencontre pas de discussions, notamment en Allemagne, dans un domaine où les intervenants allemands sur le marché international n'arrêtent pas de se lamenter sur les désavantages par rapport à leurs concurrents: la fameuse AGB-Kontrolle, c'est-à-dire le contrôle des clauses standardisées selon les articles 307 et suivants du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, BGB). La jurisprudence allemande a réussi à soumettre quasiment tout contrat au contrôle des clauses abusives selon les articles 307 et suivants BGB avec la conséquence qu'une limitation efficace de responsabilité contractuelle ne peut pas être convenue valablement dans les contrats soumis au BGB. L'auteur de la contribution est ainsi persuadé que la AGB-Kontrolle allemande qui exclut quasiment toute limitation de responsabilité contractuelle efficace se trouverait atténuée si l'on appliquait en présence de clauses exonératoires de responsabilité d'un contrat régi par la convention de Vienne.

La cession de créance en droit français et en droit allemand

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Auteurs / Autoren:LASSERRE VALERIE
Source / Fundstelle:LexisNexis, 2018, pp. 467-504
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Mélanges en l'honneur du Professeur Claude Witz
Catégorie / Kategorie:Droit comparé, Droit des obligations, Droit privé
Le droit français de la cession de créance a fait l'objet d'une refonte par l'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations du 10 février 2016, dans le sens de la simplification de la cession et de l'objectivation de l'engagement. Cette réforme est une nouvelle occasion de réfléchir sur les différences qui existent avec le droit allemand de la cession de créance. La cession de créance ne se trouve plus dans le droit de la vente; elle est désormais réglementée dans le Code civil français aux articles 1321 et suivants, parmi les dispositions du régime général des obligations dénommés "opérations sur obligation". En droit allemand, cette opération présentée comme une technique de transfert des obligations est placée dans les §398 et suivants du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB), dans la partie générale du droit des obligations, qui traite du droit des rapports d'obligations (contenu, formation, obligation contractuelle, extinction, reprise de dette, transfert de créance etc.). D'un côté, les deux systèmes juridiques sont proches. Héritiers d'une institution juridique très ancienne instituée par Justinien, ils encadrent le transfert de la chose incorporelle que constitue la créance, en facilitant la circulation des créances. Dans les deux cas, la cession conventionnelle d'un actif incorporel implique un changement de créancier sans affecter la créance elle-même; c'est donc la créance originaire qui est transférée sans aucune modification. Dans les deux pays, la cession de créance est très utilisée, qu'elle ait pour but la vente de la créance - c'est-à-dire l'opération d'escompte (cession dite spéculative), le paiement d'une dette (cession extinctive) ou la constitution d'une sûreté (cession fiduciaire). Pourtant, malgré ces ressemblances, le transfert de créance ne se réalise pas de la même manière en droit français et en droit allemand. Certaines différences existent qu'il n'est pas inutile de présenter. Afin de comparer les droits français et allemand de la cession de créance, la présente contribution étudie, dans un premier temps, les conditions de la cession de créance pour ensuite s'attacher à ses effets.

Le regard de Claude Witz sur le droit allemand

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Auteurs / Autoren:CASELLA PAULO BORBA; OLIVEIRA GABRIELA WERNER; SILVEIRA MARIA OLIVIA FERREIRA
Source / Fundstelle:LexisNexis, 2018, pp. 135-142
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Mélanges en l'honneur du Professeur Claude Witz
Catégorie / Kategorie:Droit privé, pratique du droit
"La force du droit allemand réside moins dans ses solutions que dans ses méthodes d'élaboration et de mise en oeuvre. Il semble bien réguler les rapports sociaux en raison de ses qualités techniques, sa mise en oeuvre opérée par des bons techniciens et les importants moyens en personnel consacrés à la justice", Claude Witz, Le droit allemand, Dalloz, 2e édition, p. 189. Dans la présente contribution, il s'agit de porter un regard sur l'important travail académique et intellectuel de Claude Witz: au long de toutes ces années vouées à l'académie se distingue sa vocation tournée vers la construction des ponts et du développement du dialogue entre les cultures et des voies de communication entre les hommes. Il n'est cependant pas question d'une simple explication didactique, ce qui serait d'ailleurs déjà utile et important dans le domaine juridique, mais plutôt d'un travail de vrai humaniste, allié à l'impeccable forme juridique, surtout dans les décennies suivant les dégâts de la Seconde Guerre mondiale, et toutes les incompréhensions réciproques entre ces deux peuples et ces deux grandes cultures juridiques. Ce texte se divise en deux parties, dont la première fait de brèves références à certains points remarquables de la carrière académique et du parcours vital de Claude Witz. La seconde partie, à son tour, se tourne plus spécifiquement sur le livre de Claude Witz, Le droit allemand, qui va bien au-delà des buts envisagés par son auteur.

L’acte juridique et le nouveau droit français des obligations: réflexions sur les pérégrinations franco-allemandes d’un concept juridique

Données bibliographiques / Bibliografische DatenPrinter
Auteurs / Autoren:KNETSCH, JONAS;
Source / Fundstelle:LexisNexis, 2018, pp. 419-444
Année / Jahr:2018
Localisation / Standort:Mélanges en l'honneur du Professeur Claude Witz
Catégorie / Kategorie:Droit des obligations, Droit privé
Les nouvelles règles issues de l'ordonnance du 10 février 2016 relative au droit des contrats, au régime général et à la preuve des obligations sont, comparées à l'ancien corpus normatif, plus accessibles et compréhensibles. À comparer la structure générale du titre III du livre III, telle qu'issue du Code civil de 1804 et de l'ordonnance du 10 février 2016, l'on éprouve des difficultés à voir dans la réforme du droit des obligations une oeuvre de compromis tant la rupture paraît profonde entre droit ancien et droit nouveau. Les articles 1100 à 100-2 du Code civil opèrent un bouleversement majeur de l'architecture générale du droit des obligations. Là où le législateur historique avait fait du contrat et "des obligations conventionnelles en général" l'ossature de la théorie générale des obligations, on peut lire désormais que "les obligations naissent d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité seule de la loi". Plus de cent dix ans après les travaux de Raymond Saleilles sur la place de l'acte juridique au sein du Bürgerliches Gesetzbuch, le droit français des obligations donne désormais la curieuse impression d'avoir été refaçonné "à l'allemande". La décision de hisser l'acte juridique d'élément structurant peut paraître d'autant plus étonnante qu'il y a vingt ans encore, l'on a pu affirmer qu'"il n'existe pas, en droit français, de théorie générale de l'acte juridique [...] il n'y [a] qu'une théorie générale du contrat". L'objectif de cette contribution est d'élucider les raisons de la consécration de l'acte juridique dans les dispositions liminaires du titre III du livre III du Code civil et d'en analyser les incidences sur un plan théorique et pratique. Il s'agira d'examiner la pertinence de la nouvelle présentation des sources des obligations et de la mettre en perspective abec le débat d'idées qui a été mené à ce sujet, surtout depuis le début du XXe siècle.